Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/45

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J’ay bon espoir, qu’aultre seray trouvé.
Commande moy jusques à mon cueur fendre,
Mais de t’aymer ne me vien point deffendre.
Plustost sera Montaigne sans Vallée,
Plustost la Mer on voirra dessalée,
Et plustost Seine encontremont ira,
Que mon amour de toy se partira.
Ha Cueur ingrat, Amour, qui vainq les Princes,
T’a dict cent foys, que pour Amy me prinses.
Mais quand il vient à cela t’inspirer,
Tu prens alors peine à t’en retirer.
Ainsi Amour par toy est combatu,
Mais garde bien d’irriter sa vertu :
Et si m’en croys, fay ce qu’il te commande :
Car si sur toy de cholere il desbande,
Il te fera par adventure aymer
Quelcque homme, sot, desloyal, et amer,
Qui te fera mauldire la journée
De ce qu’à moy n’auras t’amour donnée.
Pour fuyr donc tous ces futurs ennuys,
Ne me fuy point. A quel raison me fuys ?
Certes tu es d’estre aymée bien digne,
Mais d’estre aymé je ne suis pas indigne.
J’ay en tresor jeunes ans, et santé,
Loyalle amour, et franche voulenté,
Obeissance, et d’aultres bonnes choses,
Qui ne sont pas en tous hommes encloses,
Pour te servir, quand il te plaira prendre
Le cueur, qui veult si hault cas entreprendre.
Et quand le bruit courroit de l’entreprise,
Cuideroys tu en estre en rien reprise ?