Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/51

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XVII

Tous les Humains, qui estes sur la Terre,
D’aupres de moy retirez vous grand erre :
Ne oyez le dueil, que mon las cueur reçoit,
Je ne veulx pas que de âme entendu soit,
Fors seulement de ma seule Maistresse,
A qui pourtant ma plaincte ne s’adresse :
Car quand pour elle en langueur je mourroys,
D’elle (pour vray) plaindre ne me pourrois.
D’elle, et d’Amour ne me plainds nullement,
Mais Amour doibt mercier doublement :
Et doublement à luy je suis tenu,
Quand double bien par luy m’est advenu,
De me submettre en lieu tant estimé,
Et d’avoir faict, que là je suis aymé.
Pourquoy d’ennuy suis je doncques tant plein ?
A trop grand tort (ce semble) me complain,
Veu que plaisir plus grand on ne peult dire,
Que d’estre aymé de celle, qu’on desire.
A dire vray, ce m’est grande liesse,
Mais à mon cueur trop plus grand ennuy est ce
De ce, que n’ose user de privaulté
Vers une telle excellente beaulté.
Amour veult bien me donner ce credit :