Page:Marot - Les Œuvres, t. 5, éd. Guiffrey, 1931.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais pour certain Danger y contredit,
Nous menassant de nous faire reproche,
Si l’ung de nous trop pres de l’aultre approche.
O Dieu puissant, quelle grande merveille :
Est il [doulceur] à la mienne pareille ? [douleur]
A ma grand soif la belle eaue se presente,
Et si convient que d’en boyre m’exempte.
Brief, on me veult le plus grand bien du Monde,
Et tout ce bien plus à mal me redonde
Que si ma dame estoit vers moy rebelle,
Veu que sembant n’ose faire à la Belle,
De qui l’amour (par sa grâce) est à moy :
Ainsi je semble en peine, et en esmoy
A cil, qui a tout l’or, qu’on peult comprendre,
Et n’oseroit ung seul denier en prendre.
Ce neantmoins, puis que s’amour me baille,
Je serviray, quelcque ennuy qui m’assaille :
Et ayme mieulx en s’amour avoir peine,
Que sans s’amour avoir liesse pleine.
Helas de nuyct elle est mieulx que gardée,
Et sur le jour de cent yeux regardée,
Plus que jadis n’estoit Io d’Argus,
Qui eut au Chef cent yeux clers, et agus :
Si ne fault pas s’esbahyr grandement,
Si on la garde ainsi soigneusement :
Car voulentiers la chose pretieuse
Est mise à part en garde soucieuse.
Or est ma Dame une perle de pris
Inestimable à tous Humains espritz
Pour sa valeur. Que diray d’advantage ?
C’est le tresor d’ung riche parentage :
Que pleust à Dieu, que la fortune advint,
Quand je vouldrois, que Bergere devint.
S’ainsi estoit, pour l’aller veoir seulette,
Souvent feroys de ma Lance Houlette,