Page:Marquis de Lassay, Maurice Lange - Lettres amoureuses et pensées diverses du marquis de Lassay, Sansot 1912.djvu/26

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d’oublier, avec Saint-Simon[1], que ce vif-argent fit bravement son devoir sur les champs de bataille et dans les tranchées, reçut deux blessures à Senef, se battit contre les Turcs aux côtés des princes de Conti, fut encore blessé à Namur, où il était aide de camp du roi[2] : et qu’il ait dû ce poste à la protection déclarée de Madame de Maintenon[3], c’est encore une preuve qu’Armand de Lassay était autre chose qu’un Don Juan vulgaire, chanteur de romances et héros d’alcôves.

À plus forte raison a-t-on peine de croire que ce sentimental et ce romanesque dont on lira plus loin les lettres d’amour ait eu à soutenir, des années durant, toute une série de méchants procès. ÀA la vérité, ce ne fut point sa faute. Sa mauvaise étoile (comme il dit) avait voulu qu’il naquît riche dans un milieu désargenté, où il fût tout de suite le point de mire des convoitises. Le premier et le plus grand malheur de Lassay fut de trouver en son propre père le plus âpre de ses envieux. Le marquis de Montataire était un de ces hobereaux besogneux, si nombreux au XVIIIe siècle, toujours en quête d’expédients pour sortir de l’impasse où les avait jetés leur sottise ou leur incurie. Il avait plus de 250.000 livres de dettes[4] ; en revanche sa femme, Suzanne de Vipart, était riche de plus de 25.000 livres de rente[5] : mettre la main sur cette fortune qui revenait de droit à leur fils unique fut la grande affaire de sa vie. On peut lire dans un mémoire composé par Lassay lui-même avec quelle ténacité il s’y

  1. Ed. De Boislisle, III, p. 33.
  2. Recueil, IV, p. 92-96. — Dangeau, Sourches, pass.
  3. Lettres à Madame de Maintenon, Recueil, I, p. 311-334 (date : 1686), 334 (1690), 337 (1692) ; II, p. 71, 74 (1696), 187 (1697).
  4. Recueil, II, p. 285.
  5. Ibid. II, p. 203.