Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/106

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sion[1]. M. Randon, alors lieutenant de chasseurs à cheval, était le neveu et l’aide de camp du général Marchand. Âgé de vingt et un à vingt-deux ans, c’était à cette époque un fort joli et fort spirituel garçon. Il portait à ravir son élégant uniforme et montait merveilleusement à cheval. Plus d’une de nos belles dames, cachée derrière les rideaux de sa fenêtre, s’est mise en embuscade pour le voir passer, lorsque de la citadelle il descendait à Besançon où le procès de son oncle exigeait des communications perpétuelles entre le général et mon père.

J’ai vu une seule fois, depuis cette époque lointaine, M. Randon et le comte Marchand dans les salons du ministre de l’intérieur. Tous deux me reçurent très bien, mais leur accueil, pourtant, ne me rappela pas assez ce que ma famille avait fait pour la leur. Le souvenir du procès et des services rendus serait peut-être lui-même engouffré dans l’oubli, sans la lettre suivante, qu’après sa mise en liberté, le général adressa à mon père :

  1. Mauduit, dans son Histoire des derniers jours de la Grande Armée, tome Ier, raconte qu’au retour de l’île d’Elbe, Napoléon arriva devant le village de Lafrey où se tenait la compagnie de voltigeurs du 5e de ligne. En l’apercevant, le lieutenant Randon s’écria : « Soldats, le voilà !… Faites feu ! » mais les soldats ayant répondu par le cri de : Vive l’Empereur ! Randon partit au galop, poursuivi pendant plusieurs kilomètres par le capitaine Schultz, des lanciers polonais, et ne dut son salut qu’à la vitesse de son cheval.

    Quarante ans plus tard, le même officier était nommé maréchal de France, grand-croix de la Légion d’honneur et sénateur par le neveu de l’homme qu’il avait voulu faire massacrer. Le prince Jérôme seul lui tint toujours rigueur de sa conduite passée.