je me sentisse par un doux penchant porté vers cette digne jeune fille, ce n’était pas de l’amour que j’éprouvais près d’elle, je ne pouvais m’abuser sur ce sentiment, car je ne ressentais ni agitation, ni jalousie, ni cette préoccupation passionnée, incessante, qui remplit le cerveau et le cœur ; je ne pensais pas non plus à l’aimer autrement, je ne savais pas en vérité si elle était un camarade, un ami, une sœur ou autre chose pour moi. Je savais seulement que j’étais heureux près d’elle, cela me suffisait.
Je ne m’étais pas bien rendu compte de la manière dont je l’aimais ; si c’était de l’intimité pure, de l’amitié, de l’amour, de l’habitude, ou de tous ces sentiments réunis que se composait mon affection pour elle. Elle était admirable de candeur et de pureté. Quand je sortais du salon le soir, je la quittais aussi tranquille que lorsque j’y étais arrivé ; puis je regagnais ma chambre solitaire, où je dormais paisiblement, sous le même toit qu’elle, sans qu’une pensée, sans qu’un rêve d’amour, de ce côté du moins, vint embellir ou troubler mon sommeil ; et, à ce sujet, je ferai remarquer que quand ce petit dieu, auquel on est convenu de donner l’épithète de malin, vous a une fois percé le cœur de sa flèche acérée, c’est surtout la nuit que sa blessure vous fait souffrir. Pourquoi ? Parce que les grands sentiments et les grandes pensées ne peuvent pas vivre le jour. Le jour rempli par le soleil, par les bruits de la foule, est étroit, plein de distractions forcées. L’horizon se borne, les espaces se définissent,