Le jour de la célébration de ce mariage, Alexandre de Fleury et moi, qui étions de toute nécessité les pivots sur lesquels devaient rouler les détails de la fête, nous partîmes pour Paris dès le matin, chacun par une voiture différente, et sans nous être donné le mot. Pour mon compte, je craignais que quelques larmes involontaires ne vinssent trahir mon émotion pendant la cérémonie, soit à la mairie, soit à l’église, et je pris le parti le plus sage, le plus prudent, celui de la fuite. Alexandre avait-il eu la même pensée, la même crainte que moi ? Je l’ai toujours ignoré. Ce qu’il y a de certain, c’est que nous n’avons jamais parlé de cette circonstance bizarre, ni dans le temps ni depuis, et pourtant nous nous sommes revus à plusieurs reprises, à bien des années de là.
On doit toujours prendre garde, dans les familles, de mettre des jeunes personnes en rapports habituels avec des jeunes gens. Ainsi, voir plusieurs fois par jour Mlle Stéphanie des Touches, soit à table, soit au salon, aurait fini peut-être par nous impressionner tous les trois, et il pouvait arriver, ce qui n’est pas rare, que l’un de nous produisît sur le cœur de Mlle Stéphanie le même effet qu’elle avait produit sur le nôtre.
Il n’y avait certes pas ici de danger de scandale ; d’une part, le caractère froid, réservé et pieux de Mlle des Touches, et de l’autre le respect que nous avions pour elle et pour son père, étaient une garantie certaine contre tout danger ; mais il pouvait en résulter une affection profonde, et peut-être un mariage inattendu.