Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/158

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d’un bois ombreux, un riant bosquet dont les allées, bordées d’arbustes odorants, étaient foulées, pendant les courts entr’actes du bal, par les pieds impatients des danseurs et des danseuses. Combien de fois nous nous sommes promenés le soir, la tête penchée vers la jeune femme qui, suspendue nonchalamment à notre bras, nous racontait d’une voix émue les gracieuses impressions qu’elle avait conservées du bal ou du concert de la veille.

Nous trouvant à Versailles il y a quelques années, nous eûmes la fantaisie d’aller faire une course à Viroflay, pour y revoir des lieux où nous avions passé des heures si douces, si mélancoliques, si pleines d’espérance et de bonheur ; mais nous avons cherché vainement, et la salle de danse, et le bouquet parfumé. Le tracé du chemin de fer, sur la rive gauche de la Seine, a tout détruit ; un réseau de fonte recouvre la pelouse que nos danseuses effleuraient à peine sous leurs pas capricieux, un vaste atelier de construction occupe la place de notre cher bosquet, de ses fraîches allées, et l’on n’entend plus aujourd’hui que le bruit monotone du marteau retentissant sur l’enclume, dans ces lieux discrets où l’on ne soupirait autrefois que des paroles de mystère et d’amour. L’industrie est certainement une belle et noble chose et nous profitons de ses bienfaits ; mais l’industrie, par malheur, glace et dépoétise tout.

Dans ce beau temps on aimait mieux passer ses soirées dans le salon d’une jolie femme, près d’une table