Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/173

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je l’aimai bientôt comme un vieil ami, et nous sommes restés, jusqu’à sa mort, liés de la plus étroite affection.

Pendant la nuit même qui suivit l’entrevue dont je viens de parler, le beau colonel me revint plus d’une fois à la mémoire, et me rappelant une des plus jolies aventures qu’il nous avait racontées, j’en arrangeai une nouvelle que j’intitulai Adolphe et Herminie et dont Brack est le héros ; elle a été imprimée dans l’Album dolois, en 1823, et se ressent de l’âge auquel elle fut écrite.

Le colonel de Brack[1] avait été doué en naissant des qualités les plus précieuses dont la Providence puisse combler les hommes. D’une physionomie pleine de douceur, d’intelligence et de distinction, il était fait à merveille et avait une tournure des plus élégantes ; on le trouvait presque trop joli, trop gracieux pour un homme, bien que cet excès de perfection n’ait jamais paru nuire à ses succès. Brack apportait dans le monde un commerce excessivement agréable, et quand il

  1. Brack, dit de Brack (Antoine-Fortuné), 1789-1850. Fils d’un censeur royal, il devint sous-lieutenant au 7e hussards en 1807, capitaine aux chevau-légers-lanciers de la garde impériale en 1813, colonel du 9e chasseurs en 1815. Mis en demi-solde sous la Restauration, il alla servir au Brésil, rentra au service en 1830, fut nommé colonel du 4e hussards en 1832 et général de brigade, commandant l’école de cavalerie, en 1838. La publication des Manuels pour les classes régimentaires et surtout des fameux Avant-postes de cavalerie légère a placé le général de Brack au premier rang des écrivains militaires. Son aspect fin, délicat, efféminé, le faisait appeler par ses camarades Mlle  de Brack, mais c’était un soldat d’une énergie et d’une bravoure superbe. Il était le neveu de Cuvier.