Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/193

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vis-à-vis de lui, silence qui lui enlevait tout espoir d’avancement.

Je tâchai, à l’aide de raisons détestables, car il ne m’en venait pas de bonnes, de consoler mon ami malheureux, mais je ne pus y parvenir. « Bah ! bah ! me répondait-il sans cesse en regagnant notre hôtel, vous allez être nommé et je ne le serai pas ! Il faut me résigner à rester sous-préfet toute ma vie, ou bien à donner ma démission. » Et Dupeloux a vingt-huit ans, une des plus jolies sous-préfectures de France, et l’avenir s’ouvre immense pour lui ! Cet âge serait-il par hasard l’âge de l’impatience, de l’ambition ? Eh bien ! le sous-préfet de Corbeil vient d’être appelé récemment à la préfecture des Basses-Alpes, et je suis en expectative… La phrase si précise du ministre s’adressait à Dupeloux et non à moi, seulement M. Decazes se sera trompé de masque.

Maintenant le ministère Decazes résistera-t-il aux attaques violentes dont il est l’objet ? S’il tombe un de ces matins sous les coups redoublés et furieux des ultras, mon chapeau à plumes fera sans doute naufrage avec lui.

L’abus des promesses, c’est le cas de le dire à cette occasion, m’a toujours paru une chose révoltante. On dirait vraiment que plus un homme est élevé, plus il est en droit de se jouer de sa parole. Ah ! si l’on pendait un ministre lorsqu’il manque à ses engagements, qui, en raison de sa haute position, devraient être toujours sacrés, il y aurait plus de moralité dans le gou-