Je ne sais pas et ne saurai probablement jamais si le P. Hilarion était un illuminé, un fanatique ou un homme de mauvaise foi ; mais je sais qu’avec du tact, de l’esprit et d’excellentes manières, il vous disait des contes de grand’mères à leurs petits-enfants. Dans ces narrations, sa tête s’exaltait peu à peu à peu et il nous semblait alors beaucoup plus fou que les malheureux rassemblés chez lui.
Cet élégant capucin nous disait un jour, par exemple, qu’il rencontrait très souvent le diable sur son chemin ; que celui-ci lui disputait toujours le passage,mais que, grâce à certaine prière et à certaine conjuration,il l’avait bientôt mis en fuite. Je lui ai aussi entendu raconter qu’il avait visité les enfers ; il donnait sur cette visite les détails les plus étendus et les plus curieux détails qui, s’ils n’étaient pas arrangés et appris par cœur, dénotaient un cerveau atteint d’une monomanie singulière, bizarre et surtout fort originale. Le P. Hilarion semblait convaincu de ce qu’il disait, ses expressions étaient choisies, ses gestes vifs et gracieux, et le mysticisme fabuleux de sa conversation avait étendu sa renommée au loin.
Engagés par lui à aller visiter son établissement,nous nous mîmes en route un beau matin, le préfet,M. de Valdenuit, le capitaine de gendarmerie, quelques autres fonctionnaires et moi. Prévenu du jour et de l’heure de notre arrivée, le P. Hilarion vint au-devant de nous, à cheval, escorté d’une douzaine de moines qui semblaient tous de bons cavaliers. Ils se mê-