Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/243

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mille couleurs diverses dont la première vue jette quelque éclat, mais ce moment passé, les couleurs disparaissent et il ne reste plus au fond qu’une nuance uniforme et des plus ternes.

M. le préfet du Jura passe son temps à écrire en style lourd et ampoulé des circulaires qu’on ne lit pas, et dont il remplit chaque semaine les feuilles de son mémorial. Il aime beaucoup aussi les proclamations et, en ce genre, il n’est pas toujours heureux. M. Pons est trop habituellement dans l’exagération pour être d’accord avec le jugement et avec lui-même. Ceux qui le connaissent, ses amis les plus intimes lui reprochent ce travers dont il ne se corrigera jamais. Il m’écrivait dernièrement : « La loi ne m’autorise point à déplacer les prêtres ; je ne puis pas même les atteindre et mon bras n’est vigoureux qu’alors que je puis frapper la loi à la main. Toutefois je ferai enlever au premier jour tous ceux qui seront dangereux dans cette mauvaise engeance. »

Les lettres de M. Pons offrent souvent des contradictions aussi marquées, mais ces mêmes contradictions reparaissent à chaque instant dans ses causeries interminables ; il en résulte des observations, des propos et des plaisanteries qui enlèvent à un premier magistrat le respect dont il a besoin.

En définitive, malgré ses défauts, M. Pons n’est point un méchant homme, il est même obligeant et je crois qu’il faut le laisser à la préfecture qu’on lui a donnée. D’ailleurs, il n’a pas de fortune, et, puisqu’on lui a fait