Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/280

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avait beaucoup fait parler d’elle ; elle était déjà sur le retour et montrait plus d’amabilité et d’esprit que de grâce et de beauté. Pourtant la passion fut vive, sentimentale, et dura de longues années, malgré un instant de relâche. Une Anglaise, autrefois belle et recherchée, qu’on appelait lady Stanhope, avait tourné la tête du volage et accaparé son cœur. Cette nouvelle favorite, à côté de laquelle j’ai diné deux fois à Dole, chez Christian Bachelu, frère du général, avait la taille haute et parfaitement dessinée, elle s’enveloppait avec noblesse dans les vastes plis d’un cachemire des Indes, et savait se donner, à s’y tromper, l’air d’une femme comme il faut. On nous a dit depuis que cette prétendue Anglaise était née dans les environs de Paris. La chose est possible, mais je ne l’ai pas vérifiée.

Cette fantaisie passée, le général revint à ses précédentes et non pas à ses premières amours. On le vit roucouler de nouveau aux pieds de Mme de Sussy et lui demander à genoux le pardon de ses fautes. Le repentir était sincère, la dame en fut touchée et le raccommodement fut scellé à tant de reprises que les mauvaises langues prétendaient à cette époque que le baron Bachelu, d’ordinaire si frais et si jeune, paraissait fatigué, voire même un peu souffrant. Le général avait pourtant des qualités particulières, car un ami d’enfance du directeur de la Monnaie lui dit un jour : « Pourquoi tolères-tu un spectacle semblable à celui qui se passe dans ta maison ? Le général ne sort pas