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Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/281

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de chez toi, et quand ta femme sort, elle est toujours pendue à son bras. Cela produit le plus mauvais effet et te donne des ridicules dont gémissent tes amis. — Oh ! mon cher, répondit le comte Colin, je suis obligé de fermer les yeux, car lorsque ma femme n’a pas le général Bachelu pour amant, il lui en faut trois pour le remplacer. » Ce mot fait-il l’éloge du cavalier ou celui de la dame ? Le lecteur en décidera.

La passion du général était connue ; elle durait depuis si longtemps, d’ailleurs, qu’elle passait dans le monde pour une liaison quasi respectable ; pendant ce temps, la fille de Mme de Sussy, la belle duchesse d’Otrante, suivant l’exemple de sa mère, continuait avec le marquis de Pérignon un roman commencé depuis longtemps. La pauvre femme mérite d’ailleurs l’indulgence, elle que le cynisme éhonté de son mari avait forcée, dès les premiers jours de son mariage, à fuir la couche conjugale.

Cependant le comte de Sussy mourut. Dès que les délais légaux furent expirés, sa veuve convola à de secondes noces et ce fut le général Bachelu, qui, d’heureux amant, devint, comme on va le voir, très malheureux mari. Les premiers jours de cet hymen s’écoulèrent dans les épanchements les plus tendres, mais un beau matin, le général crut devoir faire observer à Mme la baronne Bachelu que les visites de M. de Pérignon se multipliaient par trop, qu’elles devenaient indiscrètes et qu’elles causaient un scandale qu’il ne pou-