Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/35

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quelles il s’abandonnait avec laisser aller ; il y avait dans son discours familier une sorte de langueur, de suavité et d’intérêt touchant qu’aucune expression ne peut rendre. C’était un de ces hommes rares auxquels on s’attache dès le premier abord et qu’on aime pour la vie quand on les connait davantage. Il avait un cœur si bon, si candide, si expansif, qu’on se sentait meilleur, rien qu’en vivant sous le même toit que lui. Intimement lié avec mon père, il lui communiquait presque toutes ses réflexions politiques et lui soumettait nombre de ses lettres les plus importantes. Quoique fort dévoué aux Bourbons, ses idées étaient libérales, et je me souviens de la visite qu’il fit à mon père en passant à Besançon, lorsqu’en 1829 Charles X le nomma garde des sceaux : « Ce sont les ultras, nous dit-il, qui ramèneront un ministère constitutionnel. » Il nous embrassa tous et sortit en murmurant : « À bientôt ! » Ses prévisions étaient justes.

Impuissant contre l’aveuglement du roi, à quitta le ministère le 19 mai 1830 ; ceux qui ont connu cet homme tout d’honneur et de cœur savaient bien que son départ était le signal de la catastrophe qui se préparait et allait bientôt éclater. Quel malheur pour notre province que ce grand magistrat ne soit resté longtemps au pouvoir !

On me baptisa sous les prénoms de Louis-Armand et j’eus pour marraine Mme la marquise de Montcalm, sœur du duc de Richelieu. Les circonstances qui me