Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/63

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but d’y voir ce petit pruneau écorché qui savait inspirer tant de passion, tant de courage, tandis qu’elles, ces pauvres lionnes, avec leur splendide beauté, leurs brillants attraits, leurs grâces, leurs talents, ne voyaient pas un seul chevalier mettre la lance au poing pour se disputer leurs charmes.

Hippolyte de Taxenne se prit à son tour à aimer la gentille Élisa, mais c’était d’un amour naïf, presque tout neuf, par conséquent très exigeant et très chatouilleux. Une fois en pied, il avait déclaré qu’il ne souffrirait point de partage, et il crut qu’il garderait longtemps sans trouble sa position. Cette confiance lui venait de la tendresse, de la ferveur, de l’énergie de son amour. Il eut beau se plier aux caprices de sa séduisante maîtresse, il fut supplanté en un peu plus de jours, mais avec autant de légèreté que ses prédécesseurs.

En apprenant ce qu’il appelait une trahison, il entra dans un véritable accès de fureur qu’il contraignit pendant la durée du spectacle où il était venu, après avoir acquis la preuve certaine de son malheur. Mais le soir, en sortant du théâtre, il ne se mit pas de planton à la porte, comme il avait l’habitude de le faire, pour offrir son bras à l’infidèle actrice ; il alla l’attendre sur le boulevard de la Reine, à l’extrémité duquel elle demeurait, et, lorsqu’elle passa à bonne portée de lui, il lui administra une telle volée de coups de cravache que la pauvre fille fut obligée d’appeler au secours. Les passants et les voisins accoururent à