Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/73

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accès de rage qui ne s’apaisaient qu’à coups de poing.

À propos d’amoureux, je me rappelle une anecdote du colonel Duchâtel, devenu général de brigade, commandant à Vesoul, et mort en retraite à Paris, il y a une douzaine d’années.

Duchâtel commandait un régiment de chasseurs à Dole, lorsque j’étais sous-préfet de cet arrondissement ; c’était un homme de beaucoup d’esprit, un soldat intrépide, qui avait fait d’une manière brillante les campagnes de l’Empire, et un officier supérieur de cavalerie des plus distingués.

Duchâtel avait remarqué parmi les sous-officiers de son régiment un maréchal des logis d’une charmante figure, parfaitement tourné, portant l’uniforme à ravir, et remplissant ses devoirs avec exactitude, avec zèle, et aussi avec une rare intelligence, un ardent amour du métier. Mais ce jeune homme était souvent puni, et toujours pour la même faute : il découchait presque chaque nuit. Son colonel le fit venir un matin dans sa chambre pendant que je m’y trouvais, pour lui donner un avertissement paternel.

— « Vous êtes bien coupable, lui dit Duchâtel, de vous faire punir aussi souvent, et de compromettre votre avenir avec autant de légèreté !

— « Mon Dieu, mon colonel, ce n’est pas ma faute, je suis amoureux…

— « Eh bien, soit, répondit le colonel, c’est de votre âge, et cela prouve pour vous ; mais vous avez assez de moments libres dans la journée pour voir votre