Page:Marquiset,À travers ma vie,1904.djvu/81

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roué à toutes les ruses militaires, et que les Autrichiens n’étaient pas assez habiles pour surprendre. Averti par ses sentinelles qu’on entendait venir une troupe armée par un chemin que nos soldats n’avaient pas l’habitude de prendre, le colonel Sadet fit ranger sans bruit tout son monde sur les remparts, les armes chargées, et attendit de pied ferme les Autrichiens qui, ayant le mot d’ordre de la place, avaient mis au milieu d’une dizaine d’entre eux parlant un peu le français, un paysan chargé de répondre au premier cri de la sentinelle. Ils s’arrêtèrent au qui vive du soldat en faction, et répondirent par la bouche du paysan : « Français ! 2e bataillon du 93e de ligne. » Après la reconnaissance faite dans les formes habituelles : « Laissez entrer ! » cria l’officier de garde au sergent qui était allé reconnaître le faux bataillon.

L’ennemi s’avança, plein de confiance. Alors le brave Sadet commanda le feu ; une trentaine d’hommes restèrent sur place, une cinquantaine furent blessés, et le gros de la troupe s’enfuit en désordre jusqu’à son camp retranché.

Cette anecdote circula le lendemain dans toute la ville et fut pendant huit jours l’objet de l’entretien des salons et des ateliers d’ouvriers.

La beauté comme la laideur est toujours au-dessous de l’idée qu’on s’en est formée, soit sur le rapport, soit d’après l’opinion de tel ou tel. Ainsi, une jolie femme n’est jamais aussi jolie, et une femme laide n’est jamais aussi laide qu’on nous l’a dit à l’avance. Les choses se