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LIOLA


Ce spectacle est encor l’orgueil de l’Amérique.
La solitude s’offre avec la majesté
Dont l’Éternel voulut parer l’heure première.
Aucun pas humain n’a souillé les tapis verts
Que la mousse déroule au bord de la clairière.
Et la hache jamais n’a fait trembler les airs
De la chute du roi qui règne ici suprême.
Sous ces arbres touffus, tout est mystérieux,
Comme dans un temple où réside Dieu lui-même.
Et ce calme sacré, ce silence pieux
N’est troublé qu’au moment où la nature prie
Par la voix de la brise et celle des oiseaux ;
Ou quand, tordant les pins, la tempête en furie
Fait chanter comme un chœur la foudre et les échos.
Les profondeurs alors jusque dans leurs entrailles
Frémissent, comme une âme, ou d’amour ou d’effroi.
Dans tout ton être aussi, Lionel, tu tressailles,
Et ton pied, sur ce seuil, hésite malgré toi.
Ah ! c’est qu’un pas encore et voilà que tu rentres
Dans le séjour de l’ombre, en un monde inconnu,
Ces retraites des bois semblent être les antres