Page:Marteilhe - La vie aux galères, 1909.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
la vie aux galères

d’une demi-heure toutes les six entourèrent la frégate, qui se vit bientôt hors d’état de tirer ni canon, ni mousqueterie, et personne de l’équipage de la frégate ne paraissait sur le tillac. On commanda d’abord vingt-cinq grenadiers par galère pour aller à l’abordage de la frégate : ils n’eurent pas beaucoup de peine à y monter, n’y ayant personne qui leur disputât l’abord, mais lorsqu’ils furent sur le pont ou tillac, ils trouvèrent à qui parler. Les officiers s’étaient retranchés sous le château de derrière et tiraient à mitraille des fauconneaux sur ces grenadiers. Mais le pire de tout était que ce tillac était ce qu’on appelle en caillebotis[1]. La plupart de l’équipage de la frégate se tenait entre les deux ponts, sous ce grillage, et, à travers les trous de la grille, donnait avec des piques dans les jambes de ces grenadiers tant qu’il les contraignirent de ressauter sur leurs galères, ne pouvant plus résister sur le tillac. On commanda un autre détachement qui monta à l’abordage, mais qui en descendit plus vite qu’il n’y était monté. Il fallut enfin rompre ce grillage, avec des pieds de porc[2] et autres instruments, pour faire une ouverture au tillac, afin d’en dénicher l’équipage de la frégate et se rendre maître de l’entrepont, ce qui fut exécuté, malgré les coups de fauconneaux et de piques, qui en tuèrent et blessèrent un grand nombre. À force de monde, on fit sortir l’équipage d’entre les deux ponts et on le fit prisonnier. Mais les officiers de la frégate étaient toujours retranchés sous le château d’arrière, faisant grand feu de leurs fauconneaux. Il fallut aussi les y forcer, non sans perte.

Voilà donc tout l’équipage de la frégate rendu, excepté le capitaine qui s’enferma dans sa chambre de poupe, faisant feu de divers fusils et pistolets qu’il avait avec lui et jurant comme un perdu qu’il ne se rendrait pas, tant qu’il lui resterait quelque mouvement de vie. On commanda un sergent avec douze grenadiers, la baïonnette au bout du fusil, pour aller enfoncer la porte de cette chambre et for-

  1. C’est un pont grillagé de bandes de fer.
  2. Pied de chèvre.