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la vie aux galères

anglais, lui répondit en cette langue qu’il allait à la pêche pour la maison de milord Hill dont il montra un billet. Le capitaine dudit navire prit le billet et y lut ceci écrit et signé de la main de milord Hill : « Laissez sortir cette barque qui va à la pêche pour ma maison. » Ce capitaine, ayant lu ce billet, le visa et laissa aller la barque. Tous ceux qui commandaient les forts, tant du port que des jetées, en firent de même, et enfin nous nous trouvâmes en pleine mer.

Pour lors, les soldats nous quittèrent, montèrent sur le tillac de la barque et fermèrent les écoutilles sur nous et par là nous eûmes la liberté de nous arranger plus commodément sur le sable qui servait de lest à cette barque. Nous savions qu’on ne sortait jamais en mer sans avoir provision, quand ce ne serait que du pain et de l’eau. Comme nous n’en avions vu aucune en entrant dans la barque, nous nous imaginâmes tous fortement qu’on allait nous couler à fond et que les soldats se sauveraient à terre dans la chaloupe qui était attachée à la barque. Nous sentions bien que notre barque allait à la voile, mais nous ne savions pas quel air de vent nous tenions. Lorsqu’il fut jour, on ouvrit l’écoutille, et, comme je me trouvais dessous et qu’en me tenant sur les pieds, je pouvais voir sur le tillac, je me levai promptement tout droit, et la première personne que j’aperçus fut notre capitaine d’armes, qui est ordinairement le premier sergent des quatre qu’il y a dans les compagnies de marine. Il était fort de mes amis, et il n’y avait pas longtemps que je lui avais rendu service auprès de notre capitaine. « Hé ! vous voilà, monsieur Praire ? lui dis-je. — Oui, mon ami, me dit-il d’un air riant ; je crois que vous n’avez pas trop bien reposé cette nuit. — Mais où nous menez-vous ? — Tenez, me dit-il, voilà Calais, en me montrant la ville devant laquelle nous étions. Nous allons vous y débarquer », ajoutant que nous n’y ferions pas un long séjour et que nous n’avions qu’à préparer nos jambes. « Mais, monsieur, lui dis-je, vous n’êtes pas capable, ni tous les hommes du monde, de faire marcher des gens décrépits de vieillesse ou qui sont impo-