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Page:Marteilhe - La vie aux galères, 1909.djvu/155

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les galères de marseille

ments de christianisme qui le faisaient agir. Ensuite il s’entretint avec le capitaine qui lui dit qu’il était nécessaire de lui remettre l’argent que nous pourrions avoir parce qu’au premier logement où la chaîne s’arrêtait, on la fouillait et qu’alors l’argent que l’on trouve aux galériens est perdu pour eux. M. Girardot nous demanda si nous voulions confier au capitaine l’argent que nous avions. Nous lui dîmes que nous ne demandions pas mieux et comme notre argent était dans une bourse commune que je gardais, je la remis sur-le-champ à M. Girardot, qui compta au capitaine cet argent, lequel consistait en sept ou huit cents livres. Après cela, le capitaine dit à M. Girardot qu’y ayant parmi nous des malades et des infirmes, il était de toute nécessité que nous fussions pourvus d’un ou deux chariots suivant le besoin que nous pourrions en avoir pendant la route. Il ajouta qu’il ne pouvait faire à ses frais cette dépense qu’après avoir chargé de coups de bâton ceux qui ne pouvaient marcher, pour s’assurer qu’ils ne faisaient pas le malade exprès pour se faire voiturer. M. Girardot comprit d’abord ce que ce discours signifiait et aussitôt accorda que nous paierions audit capitaine cent écus, et cela sur-le-champ, afin que, lorsque nous nous plaindrions de ne pouvoir marcher, on nous mît sur des chariots sans nous donner de coups ou faire d’autres mauvais traitements, de sorte qu’à proprement parler les cent écus qu’il prit de notre bourse commune étaient pour nous racheter des coups de bâton pendant la route. Pour notre sûreté, M. Girardot fit signer un reçu au capitaine avec promesse qu’en nous remettant notre argent et la caisse de nos livres, il rapporterait quittance de tout avec notre attestation que nous étions contents de lui. Cela fait, et le capitaine ayant reçu ses ordres et ses expéditions pour le départ de la chaîne, sur les trois heures de l’après-midi, on nous fit sortir des Tournelles et traverser une partie de la ville de Paris, pour aller à Charenton. Une grande quantité de gens de la religion réformée se tenaient dans les rues par où la chaîne passait et, malgré les bourrades que nos brutaux d’archers leur portaient pour les empêcher de