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les galères de marseille

des Provinces-Unies, des cantons suisses protestants, et enfin de toutes les puissances de la même religion, nous recommandant à la puissante intercession de Sa Majesté Britannique pour notre délivrance. Le marquis repassa la mer, demanda à milord Oxford[1], pour lors grand trésorier d’Angleterre, qu’il lui procurât audience de Sa Majesté. Milord lui demanda quelle affaire il avait à proposer à la reine. « J’ai, dit le marquis, toutes ces lettres à présenter à Sa Majesté », en les lui nommant toutes. « Donnez-les moi, répondit milord, je les appuierai fortement. — Je ne le puis, dit le marquis, car j’ai ordre de toutes ces puissances de les remettre en mains propres à Sa Majesté, sinon de les rapporter incessamment. » Sur quoi, milord Oxford lui procura l’audience demandée. Il remit donc toutes ces lettres à Sa Majesté, en lui disant de la part de qui elles venaient. La reine les fit recevoir par le secrétaire d’État et dit au marquis qu’elle les ferait examiner et lui ferait donner réponse. Sur quoi, le marquis se retira. Il se passa bien quinze jours que le marquis n’entendait parler de rien. Au bout de ce temps, ayant appris que la reine devait aller faire un tour de promenade au parc de Saint-James, il s’y rendit pour se faire voir de Sa Majesté, ce qui réussit, car la reine l’ayant aperçu, le fit appeler et lui dit : « Monsieur de Rochegude, je vous prie de faire savoir à ces pauvres gens sur les galères de France qu’ils seront délivrés incessamment. » Cette pieuse et favorable réponse ne souffrait aucune équivoque. Aussi le marquis ne manqua-t-il pas de nous la faire savoir par la voie de Genève. Nous reprîmes alors l’espérance que nous avions tout à fait perdue du côté des hommes et louâmes Dieu de cet heureux événement.

Peu après, il vint un ordre de la Cour à l’intendant de

  1. Robert Harley (1661-1724), homme d’État anglais, célèbre par son hostilité latente contre Marlborough et Godolphin, accusé de nourrir des tendances stuartistes. Partisan d’un rapprochement avec la France, il fut le meilleur instrument de la paix. Créé pair et comte d’Oxford le 23 mai 1711, lord-trésorier le  27, il abandonna le pouvoir le 27 mai 1714.