Aller au contenu

Page:Marteilhe - La vie aux galères, 1909.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
72
la vie aux galères

L’ordre de la Cour pour désarmer les galères étant venu, ce qui est ordinairement vers la fin d’octobre, les galères avant d’entrer dans le port, débarquent leur poudre à canon ; car on ne pénètre jamais dans un port avec la poudre. Ensuite on entre les galères, et on les range le long du quai, selon le rang d’ancienneté du capitaine, le derrière de la galère contre le quai. On dresse un pont, qu’on nomme la planche, pour aller de la galère sur le quai. On met bas les mâts qu’on enferme dans le coursier, et leurs antennes tout du long sur les bancs. On décharge ensuite l’artillerie et les munitions de guerre et de bouche, voiles, cordages, ancres, etc. On congédie les matelots de rambade, qui ne sont pas entretenus, et les pilotes côtiers. Le reste de l’équipage, à Dunkerque, logeait dans les casernes de la ville. Les officiers majors y avaient leurs pavillons, mais ils n’y logeaient que rarement, la plupart allant passer leur quartier d’hiver à Paris, ou chez eux. Ceux qui restaient, pour se distinguer, louaient les plus belles maisons de la ville, car ces messieurs sont presque tous des premières maisons du royaume, la plus grande partie cadets de famille, lesquels, comme on sait, n’héritent de leur patrimoine que l’éducation et ne vivent que des bienfaits du roi. C’est pourquoi ils sont presque tous chevaliers de Malte qui, faisant entre autres le vœu de chasteté, ne se peuvent marier, et comme, après leur mort, tout ce qu’ils laissent va à la religion de Malte, ils ne s’attachent pas à laisser du bien après eux, mais vivent fort splendidement[1]. Ce qu’ils peuvent bien faire, car leurs appointements sont gros[2].

Enfin, la galère étant entièrement vide, la chiourme s’y

  1. Ce passage est en désaccord avec les affirmations de M. Mirandolle. Dans un article d’ailleurs fort intéressant, M. Mirandolle a écrit que « leurs biens retournaient à l’Église » et que celle-ci avait « quelque intérêt à ce que les galères fussent maintenues pour la défense du royaume ». (Bul. de la Commission d’histoire des Églises wallonnes, 2e série, III, 179.)
  2. En 1719, le bailli de La Pailletrie, chef d’escadre des galères, touchait 48 000 livres d’appointements et 3 000 livres par mois pour la table.