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Page:Marteilhe - La vie aux galères, 1909.djvu/74

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la vie aux galères

cher d’y mourir de froid, car ceux qui n’y sont pas accoutumés et qui se chauffent dans leur maison auprès d’un bon feu, n’y sauraient résister vingt-quatre heures sans périr, lorsqu’il gèle un peu fort. Si ces misérables galériens pouvaient avoir un peu de feu pour se chauffer et de la paille pour se coucher, ils s’estimeraient très heureux ; mais il n’en entre jamais sur les galères.

Dès la pointe du jour, les comites, qui couchent toujours dans la galère, de même que les argousins et pertuisaniers, pour la garde de la chiourme, font entendre leurs sifflets pour réveiller et faire lever la chiourme. Cela ne manque jamais à la même heure ; car la commandante des galères tire, le soir après le soleil couché et le matin à la pointe du jour, un coup de canon, qui est l’ordre pour le coucher et le lever des chiourmes, et si le matin quelqu’un est assez paresseux pour n’être pas d’abord sur pied au coup de sifflet du comite, les coups de corde ne lui manquent pas. La chiourme étant levée, le premier soin est de plier les lits et de mettre le banc en ordre, le balayer et y jeter plusieurs seaux d’eau pour le rafraîchir et le nettoyer. On élève la tente avec de gros bâtons, longs de vingt pieds, qu’on appelle boute-fort, et qu’on met de chaque côté de la galère pour donner l’air et la clarté. Mais quand il fait froid, on n’ouvre la tente que du côté qui est à l’abri du vent.

Cela étant fait, chacun s’assied dans le banc, travaillant de ses mains à son profit. Il faut savoir que personne, dans la chiourme, ne peut être sans rien faire. Les comites, qui sont tout le jour à observer la chiourme, s’ils en voient quelqu’un qui soit à rien faire, lui demandent, la corde à la main, d’où vient qu’il ne travaille pas. S’il dit qu’il ne sait point de métier, on lui fait donner du coton filé pour qu’il en broche des bas, et s’il ne sait pas brocher, on ordonne à un galérien de son banc de le lui enseigner. Ce métier est bientôt appris, mais comme il s’en trouve toujours qui, outre qu’ils sont fainéants, n’apprennent pas facilement ou s’opiniâtrent à ne pas apprendre, les comites ne manquent pas de le remarquer, et ils les rossent d’importance. S’ils voient qu’un tel paresseux ou entêté n’ap-