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les cévennes

des éboulements laids et tristes, malgré leurs vignes en terrasse et leurs bouquets d’arbres fruitiers ; au-dessus, des broussailles ; plus haut, la muraille du fronton du causse. À gauche, au contraire, de grandes falaises, bordées de bois ou plongeant à pic dans la rivière, ont un aspect imposant. Sans cesse d’ailleurs le tableau se modifie.

Certes, l’œil est étonné par ces escarpements qui d’un seul bond se redressent tout à coup de 200 à 300 mètres. Mais, quelque grandiose que soit ce décor, on doit réserver son admiration pour les spectacles bien autrement beaux qui vont s’offrir plus loin ; si l’on abusait des expressions admiratives, la langue française n’en offrirait bientôt plus pour les gorges du Détroit, le cirque des Baumes et le pas de Soucy.

De rares petites maisons dissimulées sous les noyers dans quelque anfractuosité donnent à peine signe de vie dans ce silencieux vestibule du cañon.

Après Chambonnet, un méandre aigu du Tarn produit le premier cirque, la première enceinte partout close de falaises que l’on rencontre ; à la pointe du méandre, il n’y a pas une habitation en vue ; la solitude est absolue, le doux bruit de la rivière encore discrète n’en trouble pas la gravité ; une seule chose jure dans cette sauvagerie : c’est le blanc ruban de la route, sans laquelle pourtant il serait si difficile de venir contempler cette première grande scène elle-même !

Plus loin, sur la rive gauche, la source Pelatan a forcé le moulin qui a voulu l’utiliser à s’asseoir sur un rocher à 20 mètres au-dessus du Tarn, position assez insolite pour une usine de ce genre.

La route monte et descend alternativement, puis la paroi du causse Méjean s’ouvre brusquement, et un petit vallon se creuse, tout fourré de noyers. Deux sources écumantes bondissent dans le Tarn (r. g.), sur lequel un pont apparaît en contre-bas. Ce pont (1884) dessert le village de Montbrun et un chemin de chars conduisant à Florac par le causse Méjean. Montbrun (422 hab. la comm., 241 aggl.), entouré de grands arbres, est un charmant coin, et lorsque, grimpant sur le plateau, on voit toute cette verdure joyeuse entourée d’escarpements flamboyant au soleil, c’est réellement beau.

« Le causse de Sauveterre (r. dr.) se prolonge tout à coup en un éperon tellement aigu que la route doit le franchir et abandonner le bord de l’eau. Mais lorsqu’on descend la pente opposée, l’on est bien récompensé de ce coup de collier. Nous entrons vraiment dans les grands spectacles, et les tableaux vont varier à chaque tournant, comme des changements de décors d’un théâtre de géants.

« La rive droite est toute verdoyante. Trois villages, Poujols, Blajoux et le Villaret, se perdent dans des massifs d’arbres fruitiers et un ruban de vignes luxuriantes qui s’étagent jusqu’au pied des grandes falaises. C’est un des coins les plus productifs des gorges du Tarn ; l’homme a conquis ces cultures sur un amas de roches brisées. Toutes ces falaises de la rive droite, qui dominent le fond de verdure de leurs masses rouges et grises, ont été tourmentées aux âges géologiques et montrent d’énormes plissements et des brisures, origine de ces grands éboulis.

« La rive gauche n’a pas de village à nous offrir et ne porte qu’un château miné ; mais quel site ! Le touriste, le peintre en le savant s’arrêteront là, étonnés, avant de pouvoir démêler les détails d’un ensemble qui les saisit.

« Au premier plan, s’avançant vers l’eau, sur un gros roc qu’une convulsion géologique a jeté au centre de la vallée, est le château de Charbonnières, montrant