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forme de cercueil, qui paraît avoir été creusée de main d’homme, on ne sait pour quel objet.

Le Club alpin français y a, fort à propos, fait installer un belvédère, avec échelons, rampes, etc., qui en rendent l’abord facile.

Le manoir de Capluc a donné son nom à une ancienne famille, dont Bernard de Capluc (vers 1250) est le premier membre connu. Faute de descendance mâle, il passa en 1504 à la maison d’Albignac de Peyreleau. (V. p. 95.) Les seigneurs de Capluc eurent de vifs démêlés avec ceux du voisinage : en 1329 même un Mostuéjouls enleva la place et la mit à sac. Au village du Rozier, un lieu dit porte encore le nom de Champ de castre ; ici sans doute campaient les armées assiégeantes.

Une autre fois, le sire de Capluc, bloqué dans sa forteresse et réduit par la famine aux dernières extrémités, eut recours à un stratagème qui le sauva.

Il donna à son cheval ce qui restait de blé dans la place, et le lança, par-dessus les remparts, au milieu des agresseurs, ceux-ci, jugeant, à la vue d’un animal si bien nourri, que le fort était abondamment pourvu de vivres, levèrent immédiatement le blocus.

Quand on s’élève derrière Capluc, entre les donjons naturels écrasants qui dentellent la crête étroite descendant du causse Méjean, le spectacle devient admirable : là commence la promenade du tour de la pointe du causse Méjean par les corniches, à 400 mètres au-dessus des rivières et à 100 mètres au-dessous du plateau ; on gagne d’abord le versant du Tarn par le col et le rocher des Deux-Cañons, où l’on se trouve littéralement suspendu entre les deux gorges prodigieuses ; suivant la direction du nord à l’altitude moyenne de 800 mètres, on contourne le rocher de Franc-Bouteille, puis les deux obélisques naturels de Saint-Pons, le ravin des Eglazines, le Mas-de-la-Font, le cirque de Saint-Marcellin, le pic de Cinglegros, la fosse du Tarn enfin, se profilent ou se projettent sous des aspects non moins merveilleux que ceux déjà vus en bateau ou de la pointe du causse de Sauveterre. De plus, on touche du doigt la courtine monstrueuse (alt. 914 m.) si belle à voir de la vallée ; on contourne ses redans, on traverse ses embrasures, on passe la tête par ses meurtrières.

L’un des rocs a reçu le nom de rocher du Midi, parce qu’un jeu de lumière y indique l’heure aux habitants de la vallée du Tarn en aval : à midi, en effet, toute la muraille est dans l’ombre, sauf une étroite saillie qui, brillamment éclairée, sert de gnomon à ce cadran solaire d’un nouveau genre !

À 100 ou 150 mètres en contrebas vieillissent et s’achèvent les ruines de l’ermitage de Saint-Pons, qui dominent encore le Tarn de 300 à 250 mètres. On y arrive par deux chemins, soit de Capluc, à mi-côte, soit du Tarn même, par le sentier qui monte de Plaisance à Cassagnes. Ces ruines se composent de quelques murs à portes cintrées et d’une petite chapelle à moitié détruite, avec abside romane, le tout remontant au moins au

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ou au xiie siècle, car on y a trouvé des monnaies de cette époque, et adossé à un roc surplombant qui forme en même temps toiture et muraille de fond. À côté s’ouvrent deux grottes sans intérêt, où des fouilles, sommaires il est vrai, n’ont rien produit. Le petit sanctuaire était l’objet de deux dévotions particulières : les riverains du Tarn allaient y demander la pluie, et les mères la guérison de leurs jeunes enfants. Au pied des grands escarpements, le site est d’un pittoresque achevé. Aucune donnée historique certaine ne subsiste sur l’ermitage de Saint-Pons ; probablement fut-il bâti par