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les cévennes

delà de l’ermitage proprement dit, la crête du causse Noir nous domine encore de 100 mètres, déchiquetée et garnie de dents de scie ; vers le sud-est, un étroit ravin l’entaille, qui descend du plateau supérieur et s’interrompt brusquement aux abrupts de l’ermitage, comme certaines valleuses des falaises cauchoises. Dans ce ravin des Paliès, les érosions ont affouillé, évidé, désagrégé les dolomies et formé le cirque de Madasse, forêt d’aiguilles en pierre, où l’on croit errer sur le toit d’une cathédrale gothique, parmi les statues, les dais et les clochetons ; les rochers de 30 mètres de haut y fourmillent, drus et serrés comme les arbres ; c’est déjà un petit Montpellier-le-Vieux ! les files de statues et d’animaux grotesques s’inclinent les unes au-dessus des autres, comme pour s’ébouler dans une tumultueuse dégringolade le long de la pente abrupte. Jamais rien ne m’a rappelé d’une façon aussi frappante les séracs des Grands-Mulets, à la jonction des glaciers des Bossons et de Taconnaz.

Ce passage tourmenté et admirable se trouve placé à 3 kilomètres à l’est de Peyreleau, sur le rebord du causse Noir, entre la ferme de la Bartasserie et le hameau d’Espaliès : le rocher Fabié avec panorama de la Jonte, l’ermitage Saint-Michel et le cirque de Madasse, ne couvrent pas ensemble plus de 60 hectares (environ 1,500 m. sur 400) ; mais les circonvolutions des précipices et des falaises sont telles, qu’il faut une journée entière pour jouir de leurs variés et merveilleux aspects. D’un troisième côté, on peut y accéder en une heure un quart environ de Peyreleau, par la vallée de la Jonte, grâce à un sentier de chèvres qui aboutit au pied même des ruines de Saint-Michel : toutefois le coup d’œil est infiniment plus surprenant s’il s’offre brusquement au voyageur qui, venu du sud par le causse Noir et Saint-Jean-de-Balmes, débouche subitement dans le colossal amphithéâtre.

En résumé, le touriste pressé montera de Peyreleau à Saint-Michel par les Corniches, puis redescendra à la Jonte pour retrouver sur la route la voiture qui le mènera coucher à Meyrueis : le promeneur libre de son temps passera par Saint-Jean-de-Balmes et rentrera à Peyreleau par le roc Curvelié et la côte Saint-Jean.




CHAPITRE VII

montpellier-le-vieux.


À 12 kilomètres est de Millau (Aveyron), l’action dissolvante des eaux sauvages a édifié, sculpté et suspendu, non moins curieusement que les jardins de Babylone, une véritable ville sur le rebord du causse Noir, au-dessus de la vallée de la Dourbie. En rochers pour tous matériaux cette cité bizarre a été construite ; et si elle offre aujourd’hui l’aspect d’une Pompeïa gigantesque, c’est que les érosions en ont crevé les voûtes et tronçonné les murailles.

Car ce n’est pas une ville humaine, ni moderne, ni antique, ni préhistorique, mais bien un simulacre de ruines titanesques, dont la nature seule fut successivement l’architecte puis le démolisseur.