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montpellier-le-vieux

En 1883, les membres de la Société de géographie de Toulouse apprenaient, par le huitième Bulletin de cette Société[1], avec une surprise mêlée d’admiration, l’existence de cette curiosité naturelle, totalement ignorée. M. Louis de Malafosse, auquel les gorges du Tarn doivent déjà une grande partie de leur célébrité, était encore, le 10 mai 1883, l’auteur de cette trouvaille, le dénicheur de Montpellier-le-Vieux, grâce aux indications de M. de Barbeyrac, grand propriétaire du causse Noir.

Si la forêt de Fontainebleau était demeurée inconnue jusqu’à nos jours et que l’on fût venu en 1883 en annoncer la découverte inopinée, avec la description de toutes ses curiosités, je suppose bien que la nouvelle eût provoqué un certain étonnement.

C’est ce qui s’est produit à l’égard de Montpellier-le-Vieux, dont la révélation a été une surprise pour les géographes eux-mêmes.

Montpellier-le-Vieux est indescriptible. M. de Malafosse l’a caractérisé en une phrase ; on ne peut dire mieux ni plus : « Tout cet enchevêtrement de rues, de voûtes, de cheminements, de saillies sur corniches, tantôt se croisant à angle droit comme une ville tirée au cordeau, tantôt formant un vrai labyrinthe où l’on erre quelquefois avec un grand embarras, tout cet ensemble, comme ces détails, ne peuvent se décrire. » — Je ne referai donc pas ici une tentative inutile : il faut se contenter d’expliquer la position et le détail topographique de ces sites étranges, intraduisibles également par la plume, par la plaque sensible et par le crayon, dans un roman comme dans un guide, dans une géographie comme dans un journal. « On ne peut, à moins de l’avoir vue, se faire une idée de celle collection de fausses ruines où, à côté de rocs figurant des monstres gigantesques, sont des imitations de monuments grandioses. Que l’on s’imagine le fruit d’un songe vagabond, un décor d’opéra fantastique créé par l’imagination de Gustave Doré, se prolongeant pendant 2 ou 3 kilomètres, avec des rocs isolés de 100 mètres de haut et des rues profondes de 50 à 60 mètres. » (L. de Malafosse.)

Sur la carte de l’état-major au 80,000e (feuille de Sévérac, n° 208, portion sud-sud-est), le nom de Montpellier-le-Vieux ne figurait pas avant 1889[2] ; on devait l’inscrire dans l’espace quadrangulaire compris entre la Dourbie au sud (la Roque-Sainte-Marguerite et l’Esperelle), le Valat-Nègre à l’ouest, le hameau de Maubert au nord et le Riou-Sec à l’est. La surface ainsi limitée mesure environ 600 hectares ; mais la cité proprement dite, les monuments naturels, n’occupent pas plus de 120 hectares. La carte montrait là un blanc en forme de pointe de flèche, où l’absence de hachures faisait croire à un plateau uni au sud de la cote 822, alors qu’on y rencontre au contraire le plus grand chaos de rochers de toutes les Cévennes et quatre vastes creux ou cirques fermés, de plus de 100 mètres de profondeur. Les contours de ce blanc correspondaient assez exactement à ceux d’une circonvallation générale entourant les quatre cirques comme un véritable rempart et constituée par les falaises dolomitiques du causse Noir à 300 mètres au-dessus de la Dourbie. Entre le Valat-Nègre et le

  1. Montpellier-le-Vieux, par L. de Malafosse. 1883, in-8o de 12 pages. — V. aussi : Journal d’histoire naturelle de Bordeaux, 40, 41, 1886 : Une Visite à Montpellier-le-Vieux, par Bergonier.
  2. La carte de Cassini semble avoir cherché à l’indiquer par le dessin grossier d’une sorte de cirque rocheux, d’ailleurs placé trop à l’ouest. Le tirage de 1889 de la carte au 80,000e donne le nom et la figure topographique de Montpellier-le-Vieux d’après mon plan au 10,000e.