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montpellier-le-vieux

ogivale dite Porte double (n°26), haute de 17 mètres, dont 12 pour l’arcade seule ; la Tour (27) et la tête de Chien ou roc Camparolié (champignon), aux noms significatifs ; en face, le Château-Gaillard (28) veille au dehors sur le fossé de la Dourbie, comme le donjon de Richard Cœur de lion sur la vallée de la Seine, aux Andelys ; on ne peut le gravir ; mais du plateau rocheux et couvert de ruines qu’il domine, la vue est sublime entre la grande cité morte, les escarpements rouges du causse Noir, le plateau ensoleillé du Larzac et la sombre et profonde Dourbie, qu’égayent la grande route et les bois verts. Les géants, imaginaires aussi, qui ont bâti Montpellier-le-Vieux devaient à peine pouvoir passer la tête à travers l’étroite lucarne pratiquée en haut d’une cloison peu épaisse (n° 29) ; vers l’est des Amats, on se perdrait avec délices dans les replis de l’épaulement découpé derrière lequel se creuse le cirque de la Citerne, à l’ouest aussi, par-dessus la croupe du Grand Sphinx, les grimpeurs s’amuseront fort à descendre tout droit dans les Rouquettes ; le chemin frayé passe au sud, par un col aisé.

Plusieurs heures s’écouleraient vite dans ce dédale. Les grands pins verts, les arbousiers rouges, les houx chatoyants, et un petit champ de seigle qui s’étiole dans un étroit fond plat entre quatre murs hauts de 10 mètres, viennent ajouter le charme du contraste à l’impression de grandiose horreur éprouvée par le visiteur.

La Quille. — Phot. E. Trutat.


Mais nous ne sommes pas à la moitié de la course, et, déviant vers l’ouest, il faut nous élever le long d’une haute paroi pour sortir des Amats. Sur la crête, nous nous arrêtons soudain, une fois de plus stupéfaits. Un gouffre de 400 mètres de profondeur s’ouvre sous nos pas, et, jusque dans le lit de la Dourbie, les dragons indiens et les pagodes chinoises, brisés et culbutés, s’éboulent les uns sur les autres dans une tumultueuse dégringolade ; à gauche se continue le chaperon de la crête, vertigineuse corniche sans garde-fous, coupée d’infranchissables créneaux ; tout au bout, le Château-Gaillard, l’ouvrage de la cité le plus avancé vers le sud, perché sur le bord de la falaise ; au pied du rempart, des chemins de ronde extérieurs devraient nous y conduire, mais ils sont sapés par le temps, et la promenade serait hasardeuse. En face, le Larzac et le causse Noir ont d’effrayants à-pic aussi, jaunes et écarlates, de chaque côté de la Dourbie, dans la direction de Millau.