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les cévennes

pauvre blessé de cette profondeur de 120 mètres et de cette distance de 1 kilomètre et demi jusqu’à l’entrée de la grotte, je ne puis me le rappeler sans frémir. À chaque instant nous redoutions qu’une syncope n’amenât quelque autre chute fatale ; l’admirable énergie du patient permit seule de lui faire franchir sans catastrophe les pas difficiles du Boyau et de la Corde. Bien heureusement, des soins diligents et quelques jours de lit amenèrent la prompte guérison du brave et intelligent auxiliaire auquel je suis, depuis ce jour surtout, attaché en véritable ami.

Des travaux ont été exécutés en 1889 pour rendre la grotte de Dargilan accessible sans danger au public ; le Club alpin a accordé pour cet objet une forte subvention, argent certes bien placé, car c’est là une curiosité hors ligne, qui ne peut qu’accroître la vogue naissante de la région des Causses[1].




CHAPITRE XI

bramabiau.


Bramabiau est une de ces œuvres grandioses et bizarres que la nature exécute à coups de siècles et qui confondent l’esprit humain.

C’est une des plus curieuses merveilles de notre France.

Il y a longtemps que les géologues vont s’y extasier[2], mais les touristes l’ignorent encore.

Dans le département du Gard, à 8 kilomètres sud-est de Meyrueis (Lozère), sur la route de Mende au Vigan, le plateau de Camprieu (l,100 à 1,130 m. d’alt.) représente le fond d’un ancien lac, dont le ruisseau du Bonheur, issu des flancs de l’Aigoual, traverse aujourd’hui le bassin desséché. À l’ouest, les calcaires bruns de l’infra-lias formaient autrefois une barrière par-dessus laquelle les eaux du lac se déversaient en cataractes dans la vallée voisine, où s’exploitent les gisements plombifères de Saint-Sauveur-des-Pourcils. Aujourd’hui lac et cascade ont disparu. Un point faible s’est rencontré dans cette berge (sous la cote 1128 de la carte) ; les eaux ont donc troué leur digue et foré, à 1,095 mètres d’altitude, un tunnel rectangulaire étonnamment régulier, mesurant 8 à 12 mètres de hauteur, 15 à 20 mètres de largeur et 75 à 80 de longueur ; aux basses eaux, on peut le parcourir en entier. C’est la partie supérieure de l’ensemble dit Bra-

  1. En France, les grottes de Sorèze, (Tarn ; lacs, rivières, puits, etc.) et des Fées à Roquefort (1,500 m. reconnus, nombreux gouffres) n’ont jamais été explorées à fond ; celles d’Arcy-sur-Cure (Yonne, 876 m. de longueur) ne méritent pas la réputation qu’elles doivent à Perrault (1674), Buffon (1740 et 1759), Pasumot (1784) et Belgrand (Bulletin de la Société géologique de France, 1845, 2e  série, t. II, avec plan) ; dans le Jura on cite surtout les grottes d’Osselles (1 kil., plan par Rochon dans l’Annuaire du Doubs pour 1847). — En Belgique, celles de Remouchamps ont 500 mètres de long et une rivière (le Rubicon); v. Schols, Bruxelles, 1832, in-4o. V. aussi Schmidl, Adelsberg, 1854, Vienne ; Quetelet, Han-sur-Lesse, 1823, Bruxelles ; Alleweireldt, Han-sur-Lesse, 1830, Bruxelles, etc.
  2. V. Mémoires de l’Académie des sciences pour 1768 : Montet, Sur l’Histoire naturelle des Cévennes, et l’éboulement colossal survenu en 1766 et ayant barré le ravin de la sortie de Bramabiau. V. aussi baron Taylor, etc., Voyage pittoresque dans l’ancienne France, Languedoc, t. II, 2e partie, pl. 286 ter (peu ressemblante).