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la vis et l’hérault

l’abbé cherche à lapider sa proie avec les grands vases de fleurs qui ornent la croisée : il ne peut empêcher sa fuite ni sa retraite chez un serviteur dévoué, qui administra de suite un énergique contrepoison, bien tard, hélas ! Au surplus, le chevalier et son frère, instruits par leur trop fidèle espion, accourent, le blasphème aux lèvres, l’épée nue à la main : là marquise, brûlant de fièvre, demande un verre d’eau : ils le lui brisent sur la figure ; puis la rage les transporte, et cinq fois leurs lames percent le corps de Mme de Ganges. À ses cris, la foule s’amasse, envahit la maison, et dans le tumulte les meurtriers réussissent

Gorge de l’Hérault : défilé de Thaurac. — Phot. Chabanon. (Communiqué par le Club alpin.)

à fuir. Les blessures du fer n’étaient pas mortelles : la marquise est ramenée chez elle, suppliant que l’on ne fasse pas connaître les assassins, qu’ils soient épargnés pour l’amour d’elle, tant était généreux le caractère de l’infortunée ! La population de Ganges, qui adorait la femme de son seigneur, était dans la désolation. Quant au marquis, absent et instruit de tout, il demeura dans Avignon deux jours encore après que la nouvelle lui fut parvenue, effet sans doute du venin soufflé à son oreille par ses deux frères. Le parlement de Toulouse fit instruire le procès : Mme de Ganges, en sainte chrétienne, et pour laisser aux coupables le temps de s’esquiver, demanda et obtint que l’enquête ne s’ouvrit pas avant qu’elle fût transportée chez sa mère, à Avignon.

Là, l’influence profonde du poison ne tarda pas à exercer ses ravages : le remède n’avait pas été assez rapide ; au bout de quelques jours, la marquise