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l’aigoual

dessus des Causses qui s’enfuient au loin, sont les monts Lozère, les monts du Bougès, toutes les Cévennes, les volcans de l’Ardèche, les montagnes de la Margeride, etc. ; à l’ouest, la vue se prolonge jusqu’aux monts d’Aubrac. Cet ensemble de montagnes, de plateaux, de plaines, complété par la vue de la gracieuse Méditerranée, est de toute beauté.

Il arrive aussi que, quand le temps est trop pur et le soleil trop brillant, la lumière noie tout l’horizon, et qu’alors le panorama n’a plus rien d’enchanteur ; car en ce cas aucune pointe hardie ne forme de sujet principal qui captive la vue : le Larzac et les Causses sont trop abaissés ; la Lozère a l’air d’un toit ; les défilés de l’Hérault et des Gardons ne sont pas visibles ; tous les détails de la plaine du Languedoc se perdent dans l’éloignement ; au grand soleil, enfin, la Méditerranée même se confond avec les vapeurs lointaines. En un mot, le


Observatoire de l’Aigoual, à 1,167 mètres d’altitude.

cercle de vue n’est pas assez accidenté. Bref, les jours sont rares où la vue intégrale est concédée aux visiteurs de la montagne : un sur cent peut-être a tout embrassé ; les autres ont trouvé soit nuages et brouillards, soit trop beau temps pour être si exceptionnellement fortunés. Trop beau temps, cela peut paraître étrange et demande une démonstration. Nous aurons ainsi la transition nécessaire pour aborder une intéressante question de météorologie.

On sait que la visibilité à de grandes distances exige un éclairage tout spécial. Les jours sans nuages ne sont pas les plus favorables aux prospects lointains ; c’est un fait établi depuis longtemps, et qui tient, croyons-nous, à la cause suivante : peu de temps après le lever du soleil commence l’évaporation ; la chaleur du jour aspire de plus en plus fortement l’humidité de la terre ; et, comme la vapeur d’eau qui tremblote et agite l’air au-dessus d’une chaudière en pression, l’évaporation naturelle produit dans les couches aériennes une vibration constante ; de là ce chatoiement lumineux, cette nébulosité opaque qui brouille la vue bien en deçà de l’horizon sensible. Voilà pourquoi par un ciel très pur on peut, du Mézenc (1,754 m.), par exemple (V. chap. XX), ne pas apercevoir le mont Blanc ni même le Pelvoux. C’est ainsi que de l’Aigoual, dont l’altitude (1,567 m.) comporte un rayon visuel long de 150 kilomètres, je