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cévennes et camisards

du peuple. C’est le filtre d’où sourdent les capricieux Gardons, souvent presque taris, et parfois tonnerres d’eau, quand le ciel d’airain, s’encombrant soudain de nuages, se déchire en trombe de pluie sur la montagne raide : à peine l’orage a-t-il éclaté sur la cime que déjà le torrent mugit au bas de la « Cévenne »…

« En ces Cévennes, qui sont les vraies Cévennes, du Bougès à l’Aigoual, une foule de torrents naissent sur des monts de 1,000, 1,100, 1,200, 1,300 mètres, et descendent précipitamment dans des gorges sauvages, étranglées, raboteuses, parfois nues, parfois broussailleuses, ici pastorales et ailleurs ombragées de châtaigniers, dont beaucoup sont de vieux patriarches. Tous ces torrents se nomment des Gardons, comme ailleurs des Dranses, ou des Nants, ou des Gaves : Gardons de Dèze, de Saint-Frézals, de Saint-Germain, de Saint-Martin, de Sainte-Croix, de Saint-Jean, etc., etc. Ceux du Nord forment le Gardon d’Alais ; ceux du centre, le Gardon de Mialet ; ceux du sud, le Gardon de Saint-Jean, et les deux torrents de Mialet et de Saint-Jean s’unissent en Gardon d’Anduze. » (O. Reclus.)

Gardon d’Anduze et Gardon d’Alais se confondent à leur tour en Gard, grand collecteur qui, peu loin du vieil et célèbre aqueduc romain devenu viaduc moderne, livre au seigneur Rhône presque toutes les pluies des Cévennes.

Ici, avons-nous dit (p. 18), on peut réellement parler de ligne de faîte entre les eaux océaniques et les méditerranéennes, et le mur de partage est bien mince parfois : souvent il n’y a que 200 ou 300 mètres de distance entre le lit d’un sous-affluent du Tarn et celui d’un tributaire du Rhône ; le développement des crêtes, qui changent dix fois de direction, est de 50 kilomètres de l’Aigoual au Bougès, pour un éloignement aérien de 28 kilomètres seulement.

Rien qu’à titre d’énumération, voici les cotes principales et les noms que la carte attribue à ce mur séparatif des Gardons et du Tarnon :

Hort-Dieu, 1,567 : cotes 1,399, 1,315, 1,359, d’où se détache vers le sud-est le contrefort du Liron (1,180 et 1,008), qui sépare les bassins de l’Hérault et du Gard ; 1,228 (arête orientale de l’Aigoual); Tarnon (signal), 1,097; cote 1,137; col Salides, cote 1,160; col du Marqueirès (route des Vanels à Saint-André-de-Valborgne), cote 1,143; plateau de la Can de l’Hospitalet, 1,106, 984 (à Montgros), 1,112 (signal de l’Hospitalet); col de Faisses, 1,020 (route de Florac au Pompidou et à Saint-André-de-Valborgne); Barre-des-Cévennes, chef-lieu de canton lozérien (625 hab. la comm., 358 aggl.), sur la crête même, à 930 mètres, au point le plus bas des Cévennes, longue crête cotée 995, 996, 1,009, 974, et suivie par la route véritablement suspendue de Florac et de Barre à Saint-Germain-de-Calberte et Alais : cote 1,168, point culminant d’entre Aigoual et Bougès ; le Cabanis (signal), 1,166 : cote 1,076; col Jalcreste, 957 (route de Florac à Alais par les vallées de la Mimente et du Gardon de Deze); enfin signal de Saint-Maurice, 1,354 mètres, où finissent les Cévennes proprement dites et d’où s’allonge vers l’ouest, perpendiculairement à leur axe, le chaînon du Bougès (1,424 m.), entre le haut Tarn et la Mimente. Ces montagnes, assez pittoresques grâce à leurs multiples contournements et aux entrecroisements de leurs creuses vallées, doivent surtout leur célébrité à leurs tristes souvenirs historiques.

« Dans les Cévennes des Gardons vivent les fils des Camisards, qui firent la guerre à Louis XIV après la révocation de l’édit de Nantes. Ils fusillèrent les soldats de la persécution dans les cirques, les défilés, les coupe-gorges, qu’ils savaient par cœur et que le persécuteur ignorait. La troupe du grand roi les