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cévennes et camisards

remplaça de Broglie, et fusilla, pendit, brûla, saccagea sans merci : Cavalier le battit encore[1].

Le 1er avril 1703, trois cents protestants périssent grillés dans un moulin incendié par les troupes royales, et Fléchier, alors évêque de Nîmes, s’écrie : « Cet exemple était nécessaire pour arrêter l’orgueil de ce peuple. » Le prélat, d’ailleurs, parlait ainsi en courtisan et non en prêtre, car on sait qu’il fit, au contraire, tout pour atténuer personnellement les excès des catholiques.

Tant de cruauté n’attira au maréchal que de nouvelles défaites à Nages, aux Roches-d’Aubais, à Martignargues, à Salindres (1703-1704). Le roi le rappela à Paris et lui substitua Villars. Plus humain et plus clairvoyant[2], celui-ci pactisa, transigea, pacifia.

Le 16 avril 1704, il battit les huguenots et leur tua quatre cents hommes ; il ne profita de ce succès que pour se ménager, le 16 mai suivant, une entrevue avec Cavalier, et il réussit à traiter avec lui. Ce coup de maître diplomatique valait mieux que plusieurs victoires sanglantes.

« On trouva Cavalier à la tête de huit cents hommes qu’il enrégimentait, quand on lui proposa l’amnistie. Il demanda des otages, on lui en donna ; il vint, suivi d’un des chefs, à Nîmes, où il traita avec le maréchal de Villars.

«Il promit de former quatre régiments de révoltés, qui serviraient le roi sous quatre colonels, dont il serait le premier et dont il nomma les trois autres ; ces régiments devaient avoir l’exercice libre de leur religion, comme les troupes étrangères à la solde de France ; mais cet exercice ne devait point être permis ailleurs.

« On acceptait ces conditions, quand des émissaires de Hollande vinrent en empêcher l’effet avec de l’argent et des promesses. Ils détachèrent de Cavalier les principaux fanatiques ; mais, ayant donné sa parole au maréchal de Villars, il la voulut tenir : il accepta le brevet de colonel et commença à former son régiment avec cent trente hommes qui lui étaient affectionnés.

« Cette négociation singulière se faisait après la bataille de Hochstædt. Louis XIV, qui avait proscrit le calvinisme avec tant de hauteur, fit la paix, sous le nom d’amnistie, avec un garçon boulanger ; et le maréchal de Villars lui présenta le brevet de colonel et celui d’une pension de douze cents livres. Le nouveau colonel alla à Versailles ; il y reçut les ordres du ministre de la guerre. Le roi le vit et haussa les épaules. Cavalier, observé par le ministère, craignit et se retira en Piémont ; de là il passa en Hollande et en Angleterre. Il fit la guerre en Espagne et y commanda un régiment de réfugiés français à la bataille d’Almanza (1707)…

« La troupe de Cavalier se trouva opposée à un régiment français ; dès qu’ils se reconnurent, ils fondirent l’un sur l’autre avec les baïonnettes, sans tirer…

« Il ne resta pas trois cents hommes de ces régiments.

« Cavalier est mort (à Chelsea, en 1740) officier général et gouverneur de l’île de Jersey, avec une grande réputation de valeur, n’ayant de ses premières fureurs conservé que le courage, et ayant peu à peu substitué la prudence à un fanatisme qui n’était plus soutenu par l’exemple. » (Voltaire, Siècle de Louis XIV, chap. xxxvi.)

  1. C’est ce Montrevel qui, présomptueux, superstitieux et faible d’esprit, quoique très brave devant l’ennemi, renversa un jour, à dîner, une salière ; il pâlit, disant : « Je suis mort. », fut pris de fièvre, se mit au lit et mourut quatre jours après.
  2. En acceptant la mission, il avait dit à Louis XIV : « Je pars et je tâcherai de terminer par la douceur des malheurs où la sévérité me paraît non seulement inutile, mais même dangereuse. »