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les cévennes

De cette coupe les eaux s’échappent, pour retomber par une seconde chute de 8 mètres de hauteur, qui, vue d’un peu plus bas, semble se confondre avec la première.

Telle est la cascade de Runes en été.

Dès que les fortes pluies de septembre transforment le ruisseau en torrent dévastateur, la grande et la petite cascade s’unissent, et le tableau devient plus grandiose encore.

La chute est dominée par un énorme rocher. On peut s’en approcher sans peine et contempler d’en haut ce que l’on admirait tout à l’heure au pied du gouffre. À droite, des prairies inclinées jusqu’à la verticale. À gauche, des hêtres magnifiques, des houx et des lianes flexibles. Partout des tapis de verdure et de mousse délicieusement frais.

Le sommet de la cascade est à 1,050 mètres[1]. De Runes, la route d’en haut descend au Pont-de-Montvert par Fraissinet-de-Lozère (1,059 m.; 797 hab. la comm., 166 aggl.); à 500 mètres avant l’entrée du bourg, elle rejoint celle qui suit la rive droite du Tarn.

Le Pont-de-Montvert, chef-lieu de canton de 1,405 habitants (591 aggl.), à 896 mètres, a vu débuter la guerre des Camisards par l’assassinat de son curé, le 25 juillet 1702, (V. p. 236.) Le climat y est froid et humide, car le Bougès n’y laisse arriver les rayons du soleil que quand l’astre est élevé de 25 à 30 degrés au-dessus de l’horizon. Moutons, truites et champs de seigle, voilà toutes les ressources du pays. À 2 kilomètres en amont, le Tarn, à peine formé, reçoit à gauche l’Alignon, ruisseau insignifiant, au sud duquel la grande route se continue vers le sud-est et, franchissant la crête des Cévennes, gagne, par les cols de Saint-Maurice-de-Ventalon (1,082 m.) et de Chalsio, Vialas et la station de Genolhac. Au col de Saint-Maurice il y a une triple division des eaux : Tarn au nord-est, Luech et Cèze à l’est, Gardon de Dèze au sud-est. Le village (402 hab. la comm., 49 aggl.) est à 100 mètres en contrebas de la route, à 300 mètres vers le nord. Deux kilomètres plus loin, au col de Chalsio (simple dépression de la crête qui, comme prolongement oriental du Bougès, sépare le Luech du Gardon), la route se dédouble : à droite elle descend vers Alais par-dessus le chemin de fer de Clermont à Nîmes (qui passe sous elle en tunnel) et par Portes ; à gauche elle atteint Vialas, puis Génolhac, au milieu de splendides châtaigneraies.

Vialas, étagé en amphithéâtre sur la pente d’une gorge très ouverte (7 kil. du col de Chalsio et 22 kil. du Pont-de-Montvert ; 2,002 hab. la comm., 519 aggl.), est un des endroits de France où il pleut le plus[2]. Ses mines de plomb argentifère sont célèbres, et exploitées depuis 1780 ou 1785; la galène ou minerai de sulfure de plomb fournit 500 grammes d’argent par 100 kilogrammes de plomb en moyenne ; on a établi les usines sur la rive droite du Luech, en face du bourg[3].

  1. Notes d’une excursion dans la Lozère, par E.-B. Bondurand, de Vialas à Florac, par le Pont-de-Montvert et la cascade de Runes. Extrait des Mém. de la Soc. scientifique et littéraire d’Alais, 1875, p. 119.
  2. En 1873, il y est tombé jusqu’à 2m,60 de pluie, c’est-à-dire que si la quantité d’eau précipitée se fût continuellement maintenue à l’abri de l’écoulement et de l’évaporation, elle eût formé, au bout de l’année, une couche épaisse de 2m,60. La moyenne des pluies est de 0m,80 pour la France entière et de 0 m,51 pour le bassin de Paris ; en trois points seulement celle moyenne dépasse 2 mètres par an : Gavarnie, les monts du Tanargue, non loin de Vialas, aux sources de l’Ardèche, et les massifs du Dévoluy et du Champsaur, au nord de Gap (Hautes-Alpes).
  3. V. Bull. de la Soc. d’études des sciences naturelles de Nîmes, 8e année, no 6, juin 1880, article de M. Pierredon ; — Marrot, Notice sur les mines de Villefort. Annales des mines, 1re  série, t. IX, p. 305 ; — Levalllois, Mémoire sur la préparation du minerai de plomb de Vialas et Villefort : Annuaire des mines, t. IX, p. 717 et 753 ; — Mines de Villefort et de Vialas : Journal des mines, t. VII, par Dolomieu ; — Richesses minérales de la Lozère : Annales des mines, 1re  série, t. VIII, 1823, par Marrot ; — Préparations mécaniques et usines de Vialas et de Villefort, par Marrot et Levalllois : Annales des mines, 1re  série, 1824; — Rivot, Annales des mines, 1863.