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Page:Martel - Les Cévennes et la région des causses, 1893.djvu/257

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les cévennes

orientale) à 1 ou 2 kilomètres (sur les croupes mamelonnées du reste de la chaîne) ; de part et d’autre les flancs se composent de surfaces herbeuses plus ou moins en pente et que les eaux ont çà et là creusées de ravines ; entre les gouttières, du Lot au Tarn, l’épaisseur à la base de ce comble immense atteint 14 kilomètres au moins, 21 au plus. Sur un tiers seulement de son étendue (environ 12 kilomètres), la Lozère porte la fameuse ligne de partage des eaux qui, venant du Bougès et du col de Saint-Maurice au sud, s’y soude aux sources du Tarn, — laisse à l’est une lieue de faîtage en plein versant méditerranéen, — s’en détache de nouveau au pic de Finiels (1,702 m.), le point culminant, — descend vers le nord au col de Tribes (1,130 m.), — et remonte vers la montagne du Goulet (1,499 m.) (V. p. 17) ; l’axe hydrographique des Cévennes suit donc la crête et deux contreforts de la Lozère, en un zigzag qui cantonne aux angles de la chaîne quatre quartiers de sources distincts : au nord-est le Lot, au sud-ouest le Tarn, au sud-est les affluents de la Cèze (vers Vialas et Genolhac), au nord-est des tributaires de l’Ardèche (par le Chassezac, vers Villefort), ces deux derniers coins étant les moins vastes des quatre.

« Les maîtres monts de la Lozère ne s’épointent pas en pics ; ce ne sont guère que des exostoses d’un plateau très élevé et d’environ 400 kilomètres carrés de superficie. »

Voici leur succession d’est en ouest : signaux de Costeilades (1,508 et 1,490 m.) entre Vialas et Villefort ; bois des Armes (1,576 m.); Tête de Bouf (1,621 m.); roc Malpertus (1,683 m.), entouré des sources du Tarn ; cotes 1,658, 1,575, 1,639, 1,615, 1,680,1,589, 1,639, toutes molles saillies de la haute plaine d’herbes ; double signal de Finiels (1,690 et 1,702 m.); signal des Laubies (1,660 m.), cote 1,549, d’où le ruisseau de Mirals court à son soubresaut de Runes ; roc des Laubies (1,561 m.); là commence la descente (longue de 12 kil.), du faîtage vers le col de Montmirat (1,046 m.), qui unit la Lozère au causse de Sauveterre. (V. p. 243.) Le tout s’élève et s’abaisse, sans secousses, en une succession de mamelons et de cols.

Du roc des Laubies vers le nord-ouest, un grand contrefort (1,490 m.; col de la Loubière [1,168 m.], sommet de l’Aigle [1,258 m.] décrit un vaste arc de cercle entre le Lot et le cirque montueux de Lanuéjols (V. p. 258), pour aller en crête étroite, nulle part plus basse que 1,094 mètres, s’attacher, après 4 lieues de cintrement, au causse même de Mende, juste au nord de Lanuéjols. L’agrafe de ce petit causse avec l’énorme montagne voisine n’est pas moins ténue que celle de l’Aigoual avec les tables du Méjean et du Noir. Voilà pour l’orographie de la Lozère ; quant à l’aspect, laissons dire encore O. Reclus :

« La Lozère est une masse de granits, de schistes, de micaschistes, de sables provenus de la délitescence des quartz, une chaîne pelée, une croupe uniforme sur le faîte entre Gironde et Rhône. Le déboisement l’a ravagée, avec les plateaux dont elle regarde le morne horizon, et le département qui tient d’elle son nom est moins peuplé que l’ancien Gévaudan.

« Les troupeaux de transhumance[1] empêchent ici l’effort de la sève de raviver ce que les ancêtres des Louzerots flétrirent, ce que les Louzerots d’aujourd’hui

  1. « Émigration périodique des troupeaux de moutons des pays de plaines, qui vont, sous la conduite des bergers, passer les mois les plus chauds de l’année dans les pâturages des montagnes. Étymologie : espagnol trashumar, latin, trans, au-delà, humus, terre. » (Littré.) — C’est du Languedoc et de la Provence qu’au mois de juin de chaque année les troupeaux, fuyant la poussière brûlante de l’été méditerranéen, viennent estiver dans la Lozère.