Ces demeures étaient sans doute couvertes en mottes ou plaques de gazon qui, en s’effondrant, ont jeté leur terre de bruyère à l’intérieur des ruines.
« L’origine de ces villages se perd dans la nuit des temps ; leur destruction paraît dater soit de l’invasion des barbares, soit des terribles guerres des fils de Louis le Débonnaire, c’est-à-dire du ixe siècle. Évidemment l’incendie ou la dévastation des forêts a amené le départ des populations et changé le climat du plateau où se cultivaient, autour de ces villages, des céréales qui n’y viendraient plus aujourd’hui. Près de Bord, la trace d’anciens sillons se retrouve, ainsi que la division des champs. Les fouilles faites sur ces ruines n’ont donné que des objets rudimentaires, pouvant appartenir à divers âges très anciens : poteries grossières, silex éclatés sans formes précises, morceaux de fer tronqués, etc. ; rien d’important, mais cependant un indice de population à la vie difficile et misérable. » (L. de Malafosse.)
Et ces villages ne sont pas ce que l’Aubrac nous garde de plus vieux.
Une voie romaine, bien conservée, reste de la voie d’Agrippa, se retrouve aisément le long de la crête qui sépare les Salhiens de la plaine basse. En la suivant directement vers le Mas-de-Montorgier, au sud et près de l’endroit où elle saute le petit ruisseau du Mas-Crémat (maison brûlée), l’abbé Boissonnade et le docteur Prunières ont, le 21 septembre 1866, reconnu les débris de la station romaine signalée par la table de Peutinger sous le nom d’ad Silanum. Des briques romaines, des restes de murs, quelques monnaies, sont tout ce que l’on a pu trouver dans des fouilles très rapides et superficielles. ( V. chap. XXVIII[1].)
Aujourd’hui l’herbe drue de l’Aubrac a recouvert les fouilles, et les traces d’ad Silanum sont à peine visibles.
Plus antiques encore, de nombreux tumuli se retrouvent ; fouillés par divers antiquaires, ils ont paru très pauvres ; le docteur Prunières a recueilli quelques petits bijoux d’or, des ossements incinérés, des poteries communes, de grosses perles en verre émaillé pour colliers.
Le mystère plane encore sur ces vénérables restes, trop informes pour attirer le promeneur banal, assez peu étudiés cependant pour réserver de joyeuses surprises au chercheur.
Le linguiste même aurait de curieux problèmes à résoudre s’il voulait trouver le sens et l’origine de ces noms étranges, inusités partout ailleurs : Costerongnouse, Nasbinals, Bès, Peyrou, Mailhebiau, Cap-Combattut, Croupatache, Bord, Trap, Faltre, Pleich, etc.
Ces noms ont peu de rapport avec les termes d’origine romaine en usage dans tout le Gévaudan et rappellent beaucoup la langue celtique.
Arrivons à L’industrie maîtresse de l’Aubrac, le pacage :
Quarante à cinquante mille moutons transhumants du Languedoc viennent chaque été estiver dans la montagne ; trente mille bêtes à cornes ruminent au milieu d’eux. Parmi ces hordes beuglantes, il est dangereux de se promener avec des chiens, qui risquent de mettre les taureaux en fureur. Maint accident s’est produit.
« Dans les burons, le cantalès et ses deux aides convertissent en fromage (fourme) et en beurre le lait des vaches de la célèbre race d’Aubrac. Il y a quarante ans, c’est à peine si l’on apercevait, à longues distances, un misérable
- ↑ V. Bull. de la Soc. d’agriculture de la Lozère, année 1868, p. 99 et 141 et suivantes.