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Page:Martel - Les Cévennes et la région des causses, 1893.djvu/290

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l’aubrac

est loin d’avoir livré toutes ses richesses aux rares naturalistes qui l’ont parcouru. Tous en sont revenus chargés de nouveautés ; une moisson des plus fructueuses accompagnera toute recherche dans les fissures des rochers, sur ce sol si varié de composition, et jusque sur les eaux des lacs tranquilles.

Comme au mont Dore, comme au Cantal, comme au mont Lozère, on a retrouvé sur l’Aubrac des traces glaciaires. À ce propos, M. G. Fabre a, le 18 août 1873, communiqué à l’Académie des sciences une note dont voici le résumé :

Le bassin supérieur du Bès forme un large cirque de 11 kilomètres de diamètre et de 84 kilomètres carrés de superficie ; les crêtes de gneiss et de schiste revêtues de basalte qui l’entourent ont de 1,250 à 1,471 mètres d’altitude ; c’est le plateau des Lacs décrit plus haut (p. 270). Le fond du bassin, dont le point d’écoulement se trouve à 1,151 mètres, au pont du Bès, entre Marchastel et Montgros (p. 280), est de granit. Un glacier de premier ordre l’occupait à l’époque quaternaire : « Les moraines profondes de ce glacier couvrent d’un manteau continu de houe argileuse et de blocs de basalte striés et polis tous les bas plateaux granitiques des communes de Marchastel, Nasbinals et Recoules-d’Aubrac, bien au delà des limites du bassin. » Les moraines, les blocs erratiques, les formes moutonnées du granit, sont les témoins irrécusables du glacier disparu, qui pouvait mesurer 100 mètres d’épaisseur : on ne peut expliquer autrement « le transport de certains blocs de basalte perchés au sommet de mamelons de granit le courant de glace les a arrachés aux flancs de la montagne du Peyrou (1,310 m.), près des sources du Bès, et les a déposés jusqu’à plus de 26 kilomètres de leur point de départ. »

Le glacier du Bès a eu deux phases : d’abord il s’est étendu à plus de 28 kilomètres de son point d’origine ; puis la fusion progressive, momentanément arrêtée, le réduisit à l’occupation du grand cirque qui lui avait donné naissance ; alors il n’était plus que de second ordre.

Les moraines frontales déposées pendant cette deuxième phase se retrouvent au pont du Bès : dans l’une, mise à nu par la tranchée de Montgros, il est facile d’extraire les blocs de basalte, striés et polis, de la boue argileuse endurcie et grise qui les empâte. (Comptes rendus de l’Académie des sciences, 1873, 2e semestre, p. 495.)

Il paraît certain que cette période névéenne a eu deux phases très distinctes. On en retrouve partout les restes.

Sans insister davantage sur l’intérêt que présentent les traces glaciaires des vallées sud-occidentales, les amas de pouzzolanes et les scories des truques d’Aubrac (1,442 m.) et de Rigambal, les basaltes vacuolaires du Mailhebiau et les centres d’éruptions voisins du lac de Bord, du Peyrou, de Nasbinals, etc., il faut mettre en relief un point capital pour l’histoire des basaltes tertiaires : l’Aubrac réfute complètement la théorie des émissions basaltiques anciennes en nappes continues ; le peu de largeur de ses courants noirs et prismés, ramifiés surtout le plateau, s’entre-croisant parfois en mailles de filets, comme à l’ancien lac des Plèches, prouve nettement que les prétendues nappes sont tout simplement d’étroites coulées juxtaposées ou soudées par des conglomérats ; la prétendue continuité originelle des lambeaux épars au pied du puy de Dôme, sur les hauteurs de Clermont-Ferrand, devient ainsi une hypothèse inacceptable ; depuis longtemps elle était battue en brèche ; la vallée de Saint-Chély-d’Aubrac (qu’il ne faut pas confondre avec Saint-Chély-d’Apcher) la ruine complètement. En effet, on ne