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les cévennes

miettes, ses copeaux séparés, bien rapidement refroidis et concentrés, à cause de leur petitesse relative.

Ainsi le soleil aurait craché tous les astres qui lui font cortège. Cette grandiose théorie, conforme aux lois de la mécanique et à tous les faits astronomiques, physiques, chimiques et géologiques connus, est due au mathématicien Laplace (1749-1827), qui a repris et magnifiquement développé les propositions de Kant (1755) et de Herschell. On la nomme hypothèse de Laplace[1].

« L’analyse spectrale (étude de la lumière des astres) est venue donner aux vues de Laplace une confirmation d’une haute valeur, en nous apprenant que l’atmosphère lumineuse du soleil contient, à l’état de vapeurs, la plupart des corps simples qui composent l’écorce terrestre. D’après les recherches de M. Cornu, les substances les plus répandues à la surface du soleil seraient le fer, le nickel et le magnésium. Or, ce sont justement les principaux éléments des météorites qui circulent dans le voisinage de la terre, et, en même temps ; ceux des roches lourdes qui paraissent dominer dans les profondeurs du globe. De plus, si l’on considère que les planètes ont une densité d’autant plus grande qu’elles sont plus voisines de l’astre central, on reconnaîtra que cette disposition concorde à merveille avec l’hypothèse qui les fait dériver de parties de plus en plus profondes de la même nébuleuse. » (De Lapparent, p. 15.)

Aussi la plupart des savants considèrent-ils cette hypothèse comme la plus admissible, et voient dans les anneaux de la planète Saturne, par exemple, des satellites non encore détachés, et la représentation réduite du mode de formation du système planétaire entier. Quelques-uns cependant la combattent : on pourra voir comment dans la Terre d’Élisée Reclus (t. Ier, p. 18 et suivantes) et dans l’Association française pour l’avancement des sciences (congrès de Rouen, 1883, p. 182, Mme  Clémence Royer).

La sous-nébuleuse qui devint la terre était donc, à son origine, une masse gazeuse, où la chaleur maintenait à l’état de vapeurs les corps que la chimie moderne appelle corps simples, et dont le nombre ne dépasse guère une soixantaine[2].

Ce fut la phase stellaire du globe terrestre, alors lumineux par lui-même ; elle fut courte, sans doute, la nuée ardente, vrai « soleil en miniature », étant relativement petite. Lors du passage à la phase planétaire, les corps simples se modifièrent de différentes façons.

Quelques-uns, très volatils, restent encore à l’état de gaz dans l’atmosphère terrestre actuelle, ne pouvant se liquéfier qu’à des températures très basses : ce sont l’oxygène, l’hydrogène, l’azote, le chlore, le fluor, etc.

Les autres, inégalement lourds, inégalement fusibles, subirent à divers degrés l’influence persistante de la pesanteur et du refroidissement, ces deux agents dont la source reste ignorée et qui si puissamment déjà avaient altéré la nébuleuse mère.

  1. Laplace, Exposition du système du monde. — V. aussi Faye, Comptes rendus de l’Académie des sciences, t. XC, nos  11 et 12.
  2. Il y a, au point de vue minéralogique, deux classes de corps simples, correspondant aux deux grandes divisions de la chimie inorganique :
    A. Minéralisateurs : oxygène, soufre, phosphore, chlore, fluor, carbone, silicium, bore, azote, hydrogène, etc. (métalloïdes).
    B. Minéralisables : potassium, sodium, lithium, calcium, magnésium, aluminium, arsenic, antimoine, étain, manganèse, zinc, fer, cobalt, nickel, cuivre, plomb, bismuth, mercure, argent, platine, or, etc. (métaux).