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principes de géologie

Le nuage de gaz lumineux et brûlants qui n’était pas encore la terre devint en effet le siège de réactions chimiques intenses, dont l’abaissement de température et la force centripète furent les seuls préparateurs. Une séparation, un départ, se fit entre ces gaz.

Les moins vaporeux et les plus pesants se liquéfièrent ; les plus légers demeurèrent nuageux. Au centre de la petite nébuleuse, le fer et les métaux, très lourds, s’accumulèrent en un noyau liquide et brûlant et s’y distribuèrent conformément à l’ordre croissant des densités.

« La géologie nous apprend que les roches basiques et lourdes, qui viennent de la profondeur, se distinguent par leur richesse en composés ferreux incomplètement oxydés. Le magnétisme terrestre trouve d’ailleurs une explication rationnelle dans cette conception, qui tend à assigner à l’intérieur du globe une composition analogue à celle des fers météoriques. » (de Lapparent.)

Au-dessus et autour s’étendirent les nappes moins pesantes d’alumine, de chaux, de silice, de soude, de magnésie, etc. ; restèrent vapeurs plus longtemps, le soufre, le phosphore, le carbone, le brome, l’arsenic, etc., et les gaz actuels produisant par leurs combinaisons d’autres gaz, comme la vapeur d’eau, les acides carbonique, chlorhydrique, sulfureux, etc. Et la terre fut « une mer de laves tourbillonnant dans l’espace ». (E. Reclus.)

Il va sans dire que, le froid de l’éther ou espace interplanétaire étant la cause de la condensation, la température baissait beaucoup plus rapidement à la surface qu’au centre, où les métaux, soumis depuis leur précipitation à une moindre déperdition de chaleur, se maintinrent en fusion et s’y trouvent sans doute encore aujourd’hui.

Aussi la matière minérale liquide ne tarda-t-elle pas à se couvrir d’une sorte d’écume pâteuse ou croûte composée des parties les plus légères de la masse fondue ; comme ces substances se trouvaient être en même temps les plus réfractaires, les moins fusibles, elles se solidifièrent vite, s’agglutinèrent, et l’écume siliceuse se figea, se coagula, se prit d’une façon continue ; ainsi se forma une première écorce terrestre, perpétuellement épaissie par la perte constante de chaleur.

Interposée entre l’enveloppe gazeuse — d’une part — qu’on peut dès maintenant appeler l’atmosphère, et le noyau métallique interne, immense mer incandescente, toujours fluide et bouillant, — d’autre part, — l’écorce fut appelée à jouer un rôle capital. Elle servit d’écran protecteur au noyau ; elle l’isola du froid espace, et ralentit si bien la déperdition de chaleur que de nos jours le centre du globe terrestre doit être encore incandescent (les volcans modernes, les sources thermales et l’augmentation, universellement constatée, de la température avec la profondeur, semblent le prouver). La conséquence de cet isolement fut l’accélération du refroidissement des vapeurs enveloppantes elles- mêmes, lesquelles, privées de tout contact avec le noyau intérieur, ne reçurent plus de chaleur que du seul et lointain soleil. Alors les éléments volatils les plus lourds de l’atmosphère se condensèrent les premiers ; puis, quand, à la périphérie, la température tomba en dessous du point de l’ébullition de l’eau (à ce moment bien plus de 100 degrés, à cause de l’énorme pression de l’atmosphère[1]), la vapeur d’eau se condensa à son tour, et des pluies chaudes sillonnèrent l’enveloppe gazeuse.

  1. Helmholz pense qu’il a fallu 3 millions et demi de siècles pour que la température de la surface de la terre s’abaissât de 2,000 à 200 degrés.