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les cévennes


bombé entre le Goulet et le Bougès, s’est fendu, et par la crevasse le granite, latéralement comprimé, a été mis à découvert.

« Tout fait présumer que le granite du mont Lozère est venu au jour à une température assez basse… car on n’observe pas que les cristaux diminuent de volume à mesure qu’on se rapproche des schistes, ce qui aurait certainement eu lieu si la matière fût venue au jour à l’état de fusion. Au surplus, son épanchement n’est pas postérieur à l’époque silurienne. » (Fabre.)

Dès 1846, Émilien Dumas émettait des opinions absolument analogues :

« Il résulte de toutes ces observations que le granit porphyroïde paraît avoir été éjecté à l’état pâteux, et qu’il n’est arrivé au jour que postérieurement au dépôt de schistes talqueux, dont il a plissé, soulevé et brisé les couches au moment de son apparition[1]. »

Ici doit se placer l’examen d’une question curieuse : celle de l’élévation du mont Lozère à son altitude actuelle. On va voir comment il faut, dans cette montagne, distinguer complètement la phase de l’épanchement du granite et celle du soulèvement du massif.

Beaucoup de géologues[2] ont déclaré que le haut plateau granitique du mont Lozère, qui a 400 kilomètres carrés de superficie et qui est la protubérance granitique la plus élevée de la France centrale, formait une île au milieu de la mer jurassique ; cette opinion, fondée principalement sur l’altitude du massif, n’est pas partagée par M. Fabre, qui croit, au contraire, au recouvrement du mont Lozère par les eaux aux époques de l’infra-lias et de l’oolithe inférieure. Avec beaucoup de vraisemblance, il appuie sa théorie sur des faits très bien observés, selon sa louable habitude.

D’abord, tout autour du plateau sont disséminés en ceinture discontinue, et jusqu’à l’altitude de 1,470 mètres, des lambeaux de terrains jurassiques, « témoins évidents d’un dépôt jadis continu ». Puis les altitudes d’une même couche sont très variables c’est ainsi que les grès infra-liasiques se rencontrent aux cotes suivantes : région de Villefort, 840 ; région du Bleymard, 1,140 ; mont de Mercoire, 1,470 ; col de la Loubière (faille), 1,185 et 870 ; col de Montmirat (faille), 550 et 1,045 ; château de Chaylard (Gard), 550, etc.; cela démontre que les perturbations du sol et les failles « ont provoqué, depuis l’époque jurassique, des dénivellations considérables autour du mont Lozère ; il serait surprenant, pour le moins, que la région centrale eût seule été à l’abri de ces mouvements » et affranchie de tout soulèvement. « Comme, d’autre part, le sommet de la montagne (1,702 m.) ne domine les dépôts sédimentaires les plus élevés (1,470 m.) que d’une quantité bien inférieure aux différences locales de niveau que présentent les dépôts eux-mêmes d’une région à l’autre, on est en droit de présumer que le plateau du mont Lozère a dû jadis supporter quelque dépôt jurassique. » Ensuite, « cette idée trouve une confirmation éclatante dans l’examen détaillé des relations de contact des couches jurassiques avec le massif cristallin ; partout ce contact se fait par faille… Au col de Montmirat, l’infra-lias se trouve au milieu des dolomies de l’oolithe inférieure ; ce contact anormal permet de fixer à 500 mètres environ la dénivellation produite. » Enfin la haute ceinture jurassique du mont

  1. Notice sur la constitution géologique des Cévennes ; Bull, de la Soc. géologique ; réunion extraordinaire à Alais en 1846, 2e série, t. III. — V. aussi, sur l’âge des granites, Gruner, Bull. de la Soc. géologique, 2e série, t. XXV, p. 837.
  2. V. Jaubert, Bull. de la Soc. géologique, 2e série, t. XXVI, p. 216, 1868.