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les cévennes

Si ce sol est imperméable, comme l’argile ou le granit, elle glisse de suite le long des pentes de la surface, conformément aux lois de la pesanteur, et forme goutte à goutte les ruisseaux, torrents, rivières et fleuves.

Si le terrain est perméable, au contraire, elle en pénètre l’intérieur ; elle s’y infiltre, y reste emprisonnée plus ou moins longtemps et ressort sous forme de sources, au contact de couches imperméables, à des distances du point de chute fort variables.

L’étude des phénomènes d’infiltration, c’est-à-dire du mode souterrain de la transformation des pluies en source, est l’objet de l’hydrologie souterraine.

Nous allons voir dans ce chapitre comment cette étude est intimement liée à la grottologie.

« L’infiltration est la pénétration lente, à travers les fissures et les interstices du sol, de l’eau qui provient de la pluie, de la condensation des brouillards ou de la fonte des neiges. Ce phénomène ne peut se produire que dans les terrains perméables, que cette perméabilité soit inhérente à la roche, comme c’est le cas pour les sables, ou qu’elle résulte d’un grand nombre de fissures qui la traversent, comme dans la plupart des calcaires et des grès.

« Les eaux, en pénétrant dans le sol, finissent par s’y accumuler, en donnant naissance à des nappes d’infiltration. En effet, à mesure qu’elles s’enfoncent, elles deviennent de moins en moins accessibles à l’évaporation ; les parties de L’écorce situées à une certaine profondeur ne peuvent donc manquer, à la longue, de se saturer d’eau, et ainsi se constituent les nappes souterraines qui, toutes les fois que leur niveau est atteint par une dépression du sol, se répandent au-dehors sens la forme de sources. » (De Lapparent, p. 140.)

Or ces accumulations d’eau affectent deux formes différentes, à raison même de ce qu’il y a deux sortes de roches perméables, les unes sans cohésion (sables), les autres compactes, mais fissurées (calcaires et grès). En effet, « il convient d’établir, au point de vue de la perméabilité, une distinction fondamentale entre les terrains sablonneux et ceux qui sont formés de calcaires ou de grès solides. Dans les sables, les nappes d’eau sont continues et régulières.

« Dans les calcaires et les grès, quand même la surface en serait fendillée au point d’agir comme un véritable crible, il arrive généralement qu’en profondeur la roche est compacte.

« L’eau n’y peut donc pas former de nappes continues ; elle se concentre dans des poches ou des fissures. Pour cette même raison, tandis que les sables offrent des suintements tout le long de la ligne d’affleurement de la nappe d’infiltration, l’écoulement des nappes des calcaires se fait par de véritables points d’élection, ce qui donne aux sources des régions correspondantes une importance spéciale. Souvent ces sources débitent de l’eau qui, avant de s’y rendre, a dû accomplir un long parcours souterrain. Quelquefois elles représentent le résultat combiné du ruissellement et de l’infiltration : lorsqu’un cours d’eau, coulant sur un sol argileux superposé à un calcaire, se perd tout à coup dans une crevasse de ce dernier, pour reparaître bien loin de là, à un niveau inférieur. Dans ce cas le volume des sources peut être considérable, et leur constance remarquable. Plus d’une source émergeant du sein des calcaires oolithiques, dans les Ardennes, a ainsi son origine dans la perte d’un cours d’eau qui avait commencé à couler sur les argiles oxfordiennes et qui est venu disparaître dans un abîme ou une fosse située à la jonction des argiles avec l’oolithe. » (De Lapparent, p. 243.)