Page:Martel - Les Cévennes et la région des causses, 1893.djvu/353

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
347
les eaux souterraines

lement dans les terrains caverneux. Je ne nie pas non plus qu’une source, en sortant d’un de ces bassins, ne puisse être plus forte qu’en y entrant, parce que le bassin peut recevoir d’autres sources par ses côtés. C’est ainsi qu’un grand nombre de cours d’eau visibles traversent des lacs et s’y accroissent par des affluents latéraux ; mais il y a loin de ces deux hypothèses, que j’admets sans peine, à l’existence de ces innombrables bassins qui se rempliraient tout à coup lors des pluies, et qui se videraient peu à peu pour entretenir les sources. Autant vaudrait dire que c’est le lac de Genève qui fournit les eaux du Rhône, le lac de Constance celles du Rhin, etc. » (p. 117).

Cette page a plus de trente ans d’existence : quand elle fut écrite, ou ne connaissait rien des rivières souterraines de France, qui en confirment la justesse ! En définitive, on peut résumer le régime hydraulique des formations suintables (perméabilité par les fissures) en disant que les eaux y occupent des poches inconnues, y forment des fleuves souterrains, et que des rivières s’y perdent pour reparaître plus loin au jour.

Notons en passant que les sources ont une température invariable, et à peu près égale à la moyenne annuelle de l’air au lieu où elles sourdent, si bien qu’en hiver elles semblent fumer, à cause de la brusque condensation de leurs vapeurs refroidies par l’atmosphère.

La formation des cavernes est en grande partie due aux eaux d’infiltration.

Le premier rôle dans l’évidement des grottes revient aux cassures terrestres, (V. p. 145), le deuxième aux phénomènes d’érosion, le troisième à la puissance chimique des eaux.

« Il est facile de constater la liaison intime de ces cavités avec les fentes ou failles du terrain, c’est-à-dire avec des lignes de moindre résistance. Ainsi, dans les remarquables grottes de Han, en Belgique, encore parcourues par la rivière de la Lesse, on peut suivre, au plafond des galeries, des fentes alignées suivant la longueur des grottes, et le long desquelles le calcaire, malgré sa dureté habituelle, se débite plus facilement en blocs. Dans toutes les grandes chambres, dont l’une a plus de 50 mètres de hauteur, on voit clairement que la voûte est formée par l’élargissement progressif de la fente médiane, dont les parois se sont écroulées peu à peu, accumulant sur le plancher de gigantesques cônes d’éboulis. Quant à la cause de ces écroulements, le torrent souterrain qui mine encore le pied des voûtes est là pour l’indiquer. La formation des grottes apparaît donc bien comme l’œuvre d’une érosion souterraine, grandement facilitée par l’état de la roche, mais imputable en définitive à l’action de l’eau courante.

« Il est à remarquer que cette action a été puissamment aidée, dans la plupart des cas, par la pression hydrostatique. En effet, même aujourd’hui, dans les hautes eaux, on constate que certaines rivières souterraines gonflent au point non seulement de remplir leurs galeries jusqu’au plafond, mais de monter à une grande hauteur dans les gouffres de la surface. En s’accumulant ainsi derrière les cloisons qui contrarient leur écoulement, elles peuvent acquérir une pression considérable, et la conséquence doit être la rupture violente de ceux de ces barrages naturels qui offrent le moins d’épaisseur. Un tel effet devait s’exercer avec une énergie particulière à l’époque, voisine de la nôtre, où les pluies étaient incomparablement plus abondantes qu’aujourd’hui, en même temps que le régime hydrographique extérieur était encore mal fixé. Chacune des