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les cévennes

débâcles résultant d’une rupture de digues devenait ainsi, pour les eaux sauvages souterraines, l’occasion d’un redoublement de puissance, et dès lors il n’y a plus lieu de s’étonner du travail qu’elles ont accompli dans les calcaires fissurés. » (De Lapparent, p. 251.)

C’est parce qu’elles sont ou ont été parcourues par des rivières que les galeries des grottes tendent à s’écarter peu de l’horizontale.

L’action chimique des eaux, quoique assez faible relativement à leur travail mécanique, a été expliquée page 146.

« En résumé, les grottes des terrains calcaires semblent devoir être attribuées à l’action d’eaux sauvages amenées par voie d’infiltration dans les profondeurs du sol, bien qu’à un niveau supérieur à celui des vallées, et obligées de s’y frayer une route, en profitant de toutes les lignes de moindre résistance du terrain. C’est pourquoi, si c’est bien le phénomène général de l’infiltration qui préside à leur naissance, du moins le travail de leur creusement nous ramène à l’action torrentielle, dont il n’est qu’un cas particulier. De plus, les résultats de ce travail, tels qu’il nous est donné de les constater dans les grottes aujourd’hui accessibles, dépassent de beaucoup la portée du régime hydrographique qui prévaut actuellement dans les mêmes régions. Non seulement nombre de grottes sont étagées sur les flancs des vallées calcaires, à des hauteurs considérables au-dessus des thalwegs et en des points où il ne se produit même plus de suintements, mais celles que parcourent encore des rivières souterraines laissent clairement apercevoir les traces d’un régime tout différent. Leur creusement, dans les proportions qu’il a prises, a certainement exigé une beaucoup plus grande énergie de la part de l’agent liquide employé à ce travail. Ici donc, comme pour les torrents et les rivières, il faut admettre, à une époque antérieure, un notable excès des précipitations atmosphériques. » (De Lapparent, p. 252.)

Le phénomène des rivières souterraines est un des plus intéressants que nous présente la nature.

« Lorsque les eaux de pluie pénètrent en abondance, à la faveur de fissures, dans une formation de calcaires compacts, elles s’accumulent dans tous les vides ou fentes. Ces fentes communiquent souvent les unes avec les autres ; et s’il arrive que l’onde trouve un écoulement au-dehors par quelque coupure profonde, un courant s’établit dans ce réseau de fissures jusqu’à l’orifice de sortie. C’est ainsi que le sous-sol d’un plateau peut être parcouru par des cours d’eau souterrains, dont le débouché seul se révèle par une source puissante, capable de donner immédiatement naissance à quelque rivière importante.

« Rien n’est plus irrégulier, en général, que les lits de ces cours d’eau cachés, sortes de canaux tortueux qui résultent de l’élargissement des fentes primitives de la roche sous l’effort même des eaux qui s’y sont infiltrées, et où des chambres spacieuses ne communiquent ensemble que par d’étroits couloirs diversement ramifiés, coupés de cascades et de rapides. » (De Lapparent.)

« Les courants souterrains remplissent en certains endroits la section tout entière de la grotte, et sont retardés ainsi par les parois supérieures, qui pèsent sur la masse liquide. En effet, les espaces creusés par les eaux dans l’intérieur de la terre sont, en un bien petit nombre de lieux, des avenues régulières, comparables à nos tunnels de chemin de fer. Sur tous les points de son épaisseur, la roche oppose à l’action de l’eau des résistances inégales, à cause de la diversité de ses fissures, de ses couches, de ses molécules. Là où les failles sont nombreuses et