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les eaux souterraines

ret, ingénieur des ponts et chaussées, adopte une manière de voir semblable à celle de M. de Mojsisovics, en pensant que le phénomène sidérolithique (V. p. 340) a pu chimiquement produire sur les Causses un certain nombre d’avens, et que des éruptions d’eaux acides sont capables d’avoir chimiquement foré ces tubes[1].

Quoi qu’il en soit, aucune de ces hypothèses n’est suffisante à elle seule pour expliquer la formation des puits naturels.

C’est ce qu’exprimait déjà Desnoyers en 1868 dans son excellent travail sur les grottes (V. p. 143), quand il faisait la part de trois actions : dislocation des couches (par retrait ou fractures), eaux torrentielles (par effondrement), actions dissolvantes intérieures (par réactions chimiques).

Nos explorations des avens des Causses de 1888 à 1892 nous font croire qu’il n’y a pas de loi générale dans la production de ces gouffres, que les circonstances locales et variées de terrain et d’altitude ont provoqué des résultats très différents les uns des autres, et que certains gouffres sont dus aux trois actions ci-dessus, tandis que d’autres n’en ont eu que deux ou même une seule pour facteur. Il y a lieu, au surplus, de distinguer l’action des eaux superficielles (érosion) et celle des eaux intérieures (pression hydrostatique), si bien que quatre agents, en un mot, ont contribué à former les avens :

1° Dislocations du sol ;

2° Eaux superficielles ;

3° Eaux intérieures ;

4° Phénomènes chimiques internes.

De 1888 à 1892, nous sommes descendus dans cent avens. On a vu (chap. V) quelles sont les difficultés et les beautés de ces explorations : nous ne nous occuperons plus ici que de leur portée scientifique. Ils doivent être considérés sous deux points de vue successifs : leur formation d’abord, puis leur relation avec les eaux intérieures et les sources.

I. Formation des avens. — Un surtout paraît devoir son origine à un simple effondrement : c’est le puits de Padirac (Lot) (V. p. 80) ; sa largeur (35 m. de diamètre à l’ouverture, 60 m. au fond), sa forme circulaire, sa profondeur relativement modérée (54 m. minima, 75 m. maxima), le cône d’éboulement qui en remplit le fond, la rivière qui passe en dessous, la disposition de strates rocheuses en encorbellement sur tout le pourtour interne, permettent de croire à la chute d’une voûte.

Beaucoup d’autres sont trop profonds et trop étroits ou trop allongés pour être dus à la même cause. D’ailleurs, quelques-uns aboutissent à de véritables cavernes, lesquelles même ne sont que de moyenne dimension (Altayrac, la Bresse, le Mas-Raynal, Rabanel, etc.). La plupart se terminent par un puits ou par des fissures où la tête d’un homme ne saurait passer (les Baumes-Chaudes, Dargilan, Hures, Tabourel, Guisotte, l’Ègue, Combelongue, Bessoles, etc.) (V. les plans.) Certains avens ne sont que des fractures du sol élargies par les eaux de la surface (1re et 2e forces). Nos coupes montrent comment l’érosion a procédé : elle a agrandi les fentes verticales ; puis, parvenue au bas de chacune de ces fentes, elle a pratiqué une galerie horizontale, sans doute en profitant du joint de deux strates, jusqu’à la rencontre d’une nouvelle fissure perpendiculaire, et ainsi de

  1. V. Stanislas Meunier, la Nature, no 127, 6 novembre 1875.