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les cévennes

rielle d’une correspondance entre un gouffre d’en haut et une source d’en bas. Mais comment l’eau se conduit-elle à l’intérieur de la masse calcaire ? Quel est son mode de circulation ? S’écroule-t-elle brutalement en torrents et en cascades par des galeries et des puits verticaux ? Suinte-t-elle goutte à goutte par de simples fissures d’infiltration ? S’épanche-t-elle en grandes nappes sous d’immenses voûtes, formant ainsi des réservoirs dont les variations de niveau réglementent le débit irrégulier des sources ? Tel est le problème que j’ai abordé et partiellement résolu.

Le résultat n’est pas le même partout ; il est subordonné à l’épaisseur et à la nature du terrain qui sépare la surface du plateau de la vallée.

En effet, d’une part nous avons vu que le creusement des avens n’a guère dû dépasser 150 mètres de profondeur ; d’autre part, plus un causse est épais, plus il renferme de couches de terrain, plus par conséquent la récurrence de lits marneux, argileux même, est fréquente et entrave le passage de l’eau ; de telle sorte qu’à priori on pouvait penser que les rivières souterraines se rencontreraient au fond des avens là seulement où le causse serait peu épais. — C’est ce qui est arrivé.

Les neuf avens des causses de Sauveterre (Baumes), Méjean (Hures), Noir (Dargilan, Altayrac, Tabourel, la Bresse, Guisotte, Ègue et Combelongue), percés à 400 ou 500 mètres au-dessus des thalwegs voisins, n’ont donné ni lacs ni torrents.

Bramabiau dans l’infra-lias, Bessoles dans le lias, et Rabanel dans le corallien, avaient une situation particulière ; ils différaient entièrement, comme position géologique, des avens des Causses.

Le Mas-Raynal et le puits de Padirac ont conduit aux rivières cherchées et attendues ; c’était prévu : car le Larzac et le causse de Gramat n’ont là respectivement que 150 et 200 mètres d’épaisseur, et la formation jurassique s’y trouve bien moins puissante que sur les causses Méjean et Noir ; partant, l’abîme pouvait atteindre l’eau, et le courant se former sur les marnes imperméables du lias ; ainsi avons-nous découvert la source souterraine de la Sorgues et la splendide rivière inconnue de Padirac.

De tout cela nous tirons, les conclusions que voici : abstraction faite de toute dénomination stratigraphique et à ne considérer que les généralités topographiques, l’épaisseur des Causses se partage, en principe, en quatre assises : calcaires et dolomies inférieures (20 à 100 m. d’épaisseur), bajocien ; marnes (150 à 300 m.), bathonien ; dolomies supérieures (100 à 200 m.), bathonien ; bancs de calcaire gris (50 à 100 m.), oxfordien. Les dolomies sont compactes, résistantes et caverneuses ; les marnes, tendres et friables ; les calcaires gris, stratifiés en lits minces et sans cohésion. Quelle est l’allure des eaux dans ces quatre zones différentes ?

Les calcaires gris, à la surface des Causses, soumis à toutes les intempéries, très facilement désagrégés par les eaux qu’absorbent leurs fentes, possèdent les bouches d’avens sur les causses de Sauveterre, Méjean et Noir. Les puits paraissent creusés dans les dolomies hautes ; les petites flaques rencontrées au fond de tous les avens ainsi que dans la grotte de Dargilan, entre 50 et 150 mètres en dessous du sommet des plateaux, permettent d’énoncer en toute sûreté qu’à la base des dolomies supérieures le couronnement argileux des marnes constitue une couche imperméable dont les dépressions recueillent comme des réservoirs les eaux distillées par les grottes et les avens.