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les eaux souterraines

Comment ces réservoirs déversent-ils leur contenu à travers les marnes ? Sans doute par les gerçures naturelles propres aux terrains argileux ou, comme l’a indiqué M. Fabre, par des failles qui, coupant les plans d’eau superposés aux marnes, favorisent l’écoulement latéral. On ne sera fixé pour cette zone que le jour où un heureux hasard (qui seul peut amener pareille découverte) y fera rencontrer des fentes assez larges pour livrer passage à l’homme. Toutefois, considérant la nature pâteuse, délayable, de ces marnes, on doit douter que semblable conduit s’y présente jamais : l’argile a dû boucher leurs moindres fissures, comme nous l’avons constaté au fond de presque tous les avens visités, et il est vraisemblable que le suintement goutte à goutte y est le seul mode de circulation de l’eau.

Ajoutons que les petites sources qui sourdent entre les dolomies et les marnes bathoniennes, et qui sont d’ailleurs très faibles (au pourtour de Montpellier-le-Vieux, par exemple), sont l’émission directe de ceux de ces petits réservoirs qui se trouvent rapprochés des parois ou coupures des cañons.

Enfin les dolomies inférieures, assurément caverneuses comme les autres, doivent receler, à en juger par les sources qu’elles débitent, d’immenses retenues d’eau : sont-ce de grands lacs ou d’innombrables petites citernes ? sont-ce des rivières comme à Bramabiau, ou des capillaires impénétrables comme au Grand-Duc ? Ces retenues sont-elles accessibles à la curiosité humaine ? C’est ce que nous diront un jour les sources basses où l’on aura pu pénétrer. Le Mas-Raynal nous montre un réservoir ramifié en plusieurs branches sous une voûte très basse que soutiennent des piliers de roches non détruits encore par les eaux, puis un torrent issu de ce réservoir et ne voulant pas se laisser suivre sous une arcade surbaissée.

À Padirac, le ruisseau originaire sourd d’un réservoir moins important encore, mais également emprisonné ; puis il se développe en vraie rivière dans sa galerie, haute de 0m,50 à 40 mètres, à travers des lacs multiples et des cascades nombreuses ; il se grossit surtout par infiltration supérieure, puisque par places l’eau y tombe des voûtes en pluie abondante, si bien que cette source intérieure, née dans un bassin presque insignifiant, se gonfle tout le long de son parcours par la précipitation venue d’en haut. — Les sources des Causses, nous n’en doutons pas, auront toutes le même faciès ou s’alimenteront par des veinules imperceptibles, selon que le terrain sera compact et diaclasé, ou stratifié et perméable par fissuration.

En résumé, trois modalités dans le voyage souterrain des eaux du Causse : 1° chute directe dans les puits profonds, étroits, allongés, des avens supérieurs ; 2° suintement goutte à goutte à travers joints et fissures dans les marnes et calcaires stratifiés du bathonien ; 3° circulation plus ou moins courante alimentée par le suintement d’en haut dans les dolomies inférieures ou les calcaires bajociens. Voilà l’hydrologie souterraine des Causses.

Ce n’est que fortuitement, et là où l’épaisseur médiocre du terrain l’a permis, que les avens ou gouffres se trouvent en relation directe avec les rivières souterraines.

Il faut noter aussi que le niveau des sources qui ne sortent pas d’une vraie caverne n’est pas constant : quand elles se font jour à travers des couches fissurées, c’est-à-dire à travers des joints où il serait impossible de les scruter, c’est plus ou moins haut, selon l’abondance des pluies précédentes,