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les cévennes

Dans le règne végétal comme dans le règne animal, nous voyons se manifester la lutte pour l’existence. « L’espèce la plus vigoureuse et la moins exigeante relativement aux circonstances extérieures, ou celle qui s’accommode le mieux du sol dont elle s’est emparée, doit nécessairement avoir le dessus sur toutes les autres[1]. »

« C’est la conformité des besoins qui provoque cette lutte pour l’existence. Elle sera donc d’autant plus âpre que la conformité des besoins sera plus complète. C’est donc entre les plantes voisines que la concurrence est le plus active[2]. »

L’influence des animaux et de l’homme sur la distribution des plantes est aussi très évidente. Tout le monde sait que les oiseaux, par exemple, contribuent pour une large part à la dissémination des graines. La florule américaine du Port-Juvénal, près Montpellier, tire son origine des graines apportées en cet endroit avec des laines venues d’Amérique. L’homme lui-même, volontairement ou involontairement, est un agent de dissémination. Le Datura stramonium nous a été apporté en France par les bohémiens venus de l’Inde. Nous pourrions enfin citer le cas de Millois, jardinier en chef du jardin des plantes de Montpellier, qui, en 1830, introduisit dans le Lez le Jussiæa grandiflora, originaire de la Caroline, qui y est aujourd’hui très abondant.

Il est encore évident que la distribution actuelle des plantes est due en partie à leur répartition antérieure. Il s’est produit, en effet, à la surface de la terre, pendant les périodes géologiques, des changements de climat et des modifications considérables de relief qui ont dû fatalement entraîner des changements correspondants dans la répartition des végétaux.

Mais de toutes les influences qui agissent sur la distribution des végétaux à la surface de la terre, la plus considérable est, sans contredit, la nature du sol. À cet égard nous nous contenterons de reproduire ici les explications dans lesquelles nous sommes entré ailleurs[3] sur le même sujet :

Pour expliquer cette influence du sol sur la végétation qu’il nourrit, diverses théories ont été émises ; deux surtout méritent d’arrêter un instant notre attention : 1° la théorie de l’action mécanique, dont les principaux champions ont été Davy, de Candolle, Wahlenberg, Watson et Thurmann ; 2° la théorie de l’action chimique, soutenue par de Saussure, Karl Sprengel, Link, de Brébisson, Unger, Bogenhard, Boreau, Dunal, Godron, Lecoq et Lamotte, Fliche, Grandeau, Weddel, et beaucoup d’autres, parmi lesquels il convient de citer surtout M. Contejean.

L’examen approfondi des deux théories exigerait un temps très considérable et dépasserait d’ailleurs le cadre que nous nous sommes tracé. Disons seulement que Thurmann[4], et avec lui les partisans de l’action mécanique, admettent que les raisons pour lesquelles un terrain donné accepte ou refuse telle ou telle plante dépendent de l’état physique des éléments qui le constituent, des dimensions de ses particules, de leur mode de cohésion, et, par suite, de leur aptitude plus ou moins grande à conserver ou à perdre l’humidité.

Quant à la théorie de l’action chimique, elle peut se résumer dans les propo-

  1. P. Duchartre, Éléments de botanique, 2e édition, p. 1195.
  2. Van Tieghem, Éléments de botanique, p. 466.
  3. Plantes calcicoles et calcifuges de l’Aveyron, p. 3 et 4. : Bull. de la Soc. botanique de France, t. XXXIII, 1886.
  4. Essai de phytostatique appliquée à la chaîne du Jura. Berne, 1849.