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la flore

sitions suivantes, que nous empruntons aux différents mémoires publiés par son apôtre le plus convaincu, M. Charles Contejean[1]. :

« Le terrain agit en raison de sa composition chimique et de son état physique, quelle que soit d’ailleurs sa nature géologique. L’influence chimique l’emporte sur l’influence physique. Il y a une flore maritime, fixée par le chlorure de sodium, et une flore terrestre, repoussée par la même substance. Cette dernière flore se compose de plantes calcicoles, fixées par le carbonate de chaux, de calcifuges, repoussées par cette substance, et d’indifférentes, qui ne sont ni attirées ni repoussées par le calcaire et qui végètent dans toute espèce de milieu non salé. Rien ne prouve que la silice exerce la moindre influence ; jusqu’à plus ample informé, on doit la considérer comme un milieu neutre et inerte servant de refuge aux plantes expulsées par la chaux. »

Dans l’état actuel de nos connaissances, nous estimons que l’on doit admettre comme fondées, au moins dans leur ensemble, les propositions qui précèdent. La théorie de Thurmann, trop exclusive, ne fait, en quelque sorte, aucune part à l’action chimique ; celle de M. Contejean, au contraire, tout en attribuant la prépondérance à l’action chimique, admet cependant l’action mécanique ; elle est donc plus éclectique, et nous paraît plus facilement acceptable.

D’ailleurs, n’est-il pas évident que dans bien des cas, le (plus souvent même, l’état physique du sol, le degré de cohésion des éléments qui le constituent est intimement lié à sa nature minéralogique ?

« De là très souvent, comme l’a dit notre très regretté confrère J.-E. Planchon, l’identité des résultats dans l’application de principes en apparence opposés ; de là cette facilité avec laquelle Thurmann a pu trouver dans les ouvrages mêmes de ses adversaires des exemples à l’appui de sa théorie[2]. »

Ajoutons que si la théorie de Thurmann ne nous paraît pas acceptable, c’est surtout parce qu’elle repose en grande partie sur des faits peu nombreux, exceptionnels en quelque sorte, dont l’inexactitude a été démontrée par M. Contejean[3], et en particulier sur l’observation trop superficielle du sol, dont la nature chimique a été souvent jugée sur de simples apparences. Aussi, on l’a dit, « c’est en se basant sur ces observations erronées que les adversaires de l’action chimique ont cru pouvoir y signaler de flagrantes contradictions »[4].

L’existence de nodules siliceux dans les calcaires oolithiques à Saint-Guilhem-le-Désert (Hérault), constatée par Dunal, celle d’une couche de calcaire dissimulée dans la silice, découverte par M. Planchon sur la hauteur du mail Henri IV, dans la forêt de Fontainebleau[5], et plusieurs autres constatations du même genre, ont fait depuis longtemps bonne justice de ces erreurs[6].

Nous estimons donc qu’il est difficile de ne pas admettre que l’influence chimique du sol sur le mode de distribution des plantes qu’il nourrit l’emporte de beaucoup sur l’influence purement mécanique. Cependant tous les botanistes ne

  1. De l’Influence du terrain sur la végétation, 1er mémoire : Annales des sciences naturelles ; Botanique, 5e série, t. XX, 1875 ; — 2e mémoire : Ibid., 6e série, t. Il, 1876.
  2. Sur la Végétation spéciale des dolomies dans les départements du Gard et de l’Hérault : Bull. de la Soc. botanique de France, t. Ier, 1854, p. 218-225).
  3. Contejean, Géographie botanique. Paris, 1881.
  4. 4. J.-E. Planchon, loco cit.
  5. J.-E. Planchon, sur la Végétation des terrains siliceux dans le Gard et l’Hérault : Bull. de la Soc. botanique de France, t. XXVI, p. 338.
  6. V. notamment les observations de M. l’abbé BOULAY : Bull. de la Soc. botanique de France, 1884, session de Charleville, p. xlvi, xlvii, xcix et c.